Attention, je ne livre ici que des ressentis, il ne s'agit pas d'une vraie chronique à proprement parler, ça viendra sûrement plus tard


J'avais acheté cet album en 1999 (vers 17h00, je pense), en même temps que Images and Words, dans un magasin appelé Forum, à Cherbourg, en Normandie, une sorte de FNAC. Après mon achat, je vais dans une sorte de pub (qui s'appelait "Le Bistrot", ça sonne vachement Irlandais hein

Pas de pote ce jour-là, mais je discerne, se détachant de la lumière tamisée propre à ce genre d'endroit, le tenancier, qui s'attarde à essuyer méticuleusement ses verres, son visage cendré de Capitaine Haddock en plus jeune arborant l'expression fermée d'une personne au maximum de sa concentration.
Son visage s'illumine et s'accorde davantage avec la faible lumière qui baigne ces lieux: "Oh ! Salut Arnaud !"
Je m'entends super bien avec lui, bien qu'il soit totalement réfractaire au metal (il faut dire que le seul truc que je lui avais fait écouter était The Gathering de Testament). Il me demande ce que j'ai encore acheté comme musique de tarés et je lui montre mes disques. Là, il me fait: "Bon allez, on va les passer dans le bar".
Et inutile de dire que c'est tout-à-fait ce que j'attendais de lui

Je n'avais jamais écouté ces albums mais je savais que, musicalement, ils auraient des chances de plaire même aux plus réfractaires.
C'est Images and Words qui passe le test en premier et là, je vois que les premières notes de "Pull Me Under" lui titillent agréablement l'oreille. Et au fur et à mesure que le morceau défile, il me lance: "Ah, tu vois, CA c'est de la musique !"
Je suis aux anges.
A ce moment-là, un mec arrive, un p'tit loub... Oups pardon !
A ce moment-là, une amie à moi, bassiste, entre dans le bar, tranquille les mains dans les poches de son blouson de cuir bien ajusté à sa petite taille et on décide de s'asseoir à une table et de prendre un verre, "Images and Words" en fond sonore. Nous papotons mais j'avoue que je suis carrément dans un autre monde, au milieu d'une sorte de théâtre magique qui projette de la poussière d'étoile qui se diffuse autour de moi. Les deux albums défilent dans cette ambiance assez irréelle pour moi.
Les clients se suivent, certains tapent du pied, d'autres demandent carrément au patron quelle musique est en train de passer, d'autres viennent me voir après que le patron m'ait montré du doigt pour me demander ce que c'est donc que ce groupe ...
Je suis tout-puissant, maître de cérémonie de cette antre qui est la mienne. C'est la classe ce que j'écoute, hein ? Plein de gens que je n'avais jamais vus se déplacent spécialement pour me demander des renseignements sur ce groupe génial qui leur parle sans prévenir ! D'ailleurs, c'est évident, tous les autres, ceux qui ne viennent pas me voir, ceux qui restent assis, en couple, entre amis ou en famille, tous ces gens-là sont en train de disserter passionnément sur ces deux albums de Dream Theater ! Ca frôle l'évidence, RAAAH !
Bref, après cette soirée magique, inutile de dire que je me passe les jours d'après ces albums en boucle. Puis l'un des deux ressort plus que l'autre: Awake, ce disque dont j'avais lu dans un vilain canard que je ne citerai pas qu'il était à la limite de l'indigeste. Ce disque m'intrigue au plus haut point, pas seulement à cause de sa technique, cette technique si chère à tous les groupes de metal progressif; il y a définitivement autre chose derrière. Du moins autre chose après les trois premiers titres, ceux sur lesquels a du rester bloqué le rédacteur de l'article dans le vilain canard.
Car cet album est divisé en deux parties selon moi: les trois premiers titres, ultra-techniques au possible, limite cliniques et froids... Et le reste, qui laisse la place à la magie, et rien que la magie (bon, oui, la technique aussi, mais on s'en fout !).
C'est d'ailleurs ce curieux tracklisting qui est une des raisons pour lesquelles j'aime tant Awake: ses trois premiers titres. On a l'impression que le groupe les a placés ici exprès pour que les non-passionnés, ceux qui jugent trop vite, passent à côté des multiples pépites qui se cachent derrière. C'est humble et c'est définitivement l'idée que j'en ai, tant le reste ne semble pas avoir été composé du tout de la même manière.
Le disque commence en effet selon moi à partir du tryptique "A Mind Besides Itself", qui comprend les morceaux "Erotomania", "Voices" et "The Silent Man".
Il y a autre chose sur ces morceaux, un réel désir de montrer ce que les musiciens ont sur le coeur. D'ailleurs, ceux-ci se lâchent littéralement et s'expriment entièrement et avec passion sur ces titres empreints d'une chaleur intense. L'instrumental, l'épique et la ballade intimiste se succèdent de manière parfaitement naturelle, sans choquer l'auditeur qui ne se doute pas que le voyage est loin d'être fini.
Car le tracklisting, absolument divin dans sa construction, nous mène maintenant sur les deux morceaux les plus bruts de l'album, les jumeaux "The Mirror" et "Lie", l'un et son contraire (d'ailleurs, il me faut impérativement éplucher les paroles des titres), où les thèmes bien mis en évidence du premier morceau se retrouvent de manière plus discrète sur le deuxième. Deux tueries ! En plus de ça, ces morceaux sont classe de chez classe. Le riff qui annonce sèchement "The Mirror" est d'ailleurs aussi simpliste que génial !
Le groupe enchaîne encore une fois sur un titre qui n'a rien à voir et qui pourtant s'inscrit vraiment bien dans la continuité de l'album: le presque atmosphérique "Lifting Shadows of a Dream", tout droit échappé d'un rêve, où la voix de James LaBrie se pose tout en douceur avant de monter en puissance en même temps que le morceau. Je ne comprendrai jamais comment certains osent dire que ce mec est l'élément à changer de Dream Theater, je trouve au contraire qu'il a une voix qui permet au groupe de s'aventurer où bon lui semble.
Vient ensuite LE gros morceau de l'album, le sublime "Scarred" où, en l'espace de 11'00 qu'on ne voit pas passer, le groupe propose toute l'essence de son savoir-faire: la technique au service d'inoubliables mélodies. Un titre typique du Dream Theater le plus inspiré: mélodique, racé, qui évolue sans cesse sans toutefois s'égarer ... LA classe, quoi !
Une classe qui s'étend sur ce morceau brumeux et magique qu'est "Space-Dye Vest". Quoi de mieux que ce titre absolument magnifique pour conclure un album aussi intense ? Car si vous aimez VRAIMENT ressentir la musique, c'est tout-à-fait le genre de morceaux qu'il vous faut, celui-ci étant une inévitable source de dressage de poils pour les trous et de coulage de larmes chaudes pour les plus sensibles d'entre vous !
Bref, pris dans n'importe quel sens, ce disque est à mon avis quasi-parfait ! Il était il y a peu encore le dernier symbole de créativité du groupe pour moi, avant que je ne me replonge avec délectation et passion dans toute leur discographie.
Toutefois, il reste à mon goût le disque le plus brillant qu'ils aient jamais sorti.
Verdict: 5/5