

chant : Rob Halford
guitares : Glenn Tipton
guitares : K.K. Downing
basse : Ian Hill
batterie : Dave Holland
Turbo. Cet album que l'on adore, que l'on déteste, qu'on déteste adorer et qu'on adore détester à la fois. S'il y a un bien un disque controversé chez Judas Priest (nan, pas Stained Class à l'envers...), c'est celui-ci! Ses détracteurs lui reprochent son orientation "Pop Metal", son côté FM et polissé, et par dessus le marché cette infamie de "claviers", pensez donc, une disgrace totale pour Judas Priest qui a bati sa réputation sur les guitares et la puissance!
Et pourtant... il n'y aucun clavier sur Turbo. Oui, puisqu'il s'agit à chaque fois de guitares-synthés!
D'où ma phrase habituelle que je vais copyrighter par la même occasion tiens : "il y a plus de claviers sur Painkiller que sur Turbo!"


Eh oui, en 1986 les anglais innovaient et prenaient même un sacré risque vis à vis de leur fanbase avec cette expérience technologique alors inédite pour du Heavy Metal, d'autant plus lorsqu'il s'agit d'une institution déjà bien établie comme Judas Priest. Mais certains y voient surtout une tentative de faire du pied à un public plus large à l'image du virage pris par Scorpions quelques temps auparavant. La vérité? Sans doute un peu (beaucoup) des 2

Détail qui a son importance à cet égard, ce dixième opus devait être à l'origine un double-album "anniversaire" sous le nom de Twin Turbos, passant en revue tous les styles abordés par Priest au cours de leur carrière. Mais finalement le label rejeta l'idée (trop cher à commercialiser) alors que 20 titres étaient écrits, et le groupe résigné ne sélectionna que les morceaux les plus softs et mélodiques afin de ne pas sortir un Defenders bis et de proposer quelque chose de différent et homogène. C'est donc aussi un peu par "hasard" que l'album a pris cette direction...
Les compositions plus rentre-dedans de ces sessions seront réenregistrées pour l'album suivant Ram It Down, d'autres attendront 18 ans dans les tiroirs pour servir de bonus tracks sur les récents remasters, alors qu'il en reste encore 2 totalement inconnues à ce jour.
En ce qui concerne le Turbo tel qu'on le connait, le nouveau visage de Priest fut clairement déroutant avec le désormais devenu célèbre "Turbo Lover" et ses sons synthétiques, ses paroles ultra kitsch très années 80, sa structure simpliste... et ses mélodies vocales irrésistibles! Quoi, tata? Ben oui tata, et alors?!

La suite ne sera pas toujours aussi tubesque à mon goût tels "Private Property" et "Parental Guidance" qu'ils auraient pu nous épargner sur la tournée qui a suivi, mais en mettant de côté les 2-3 titres faiblards il nous reste finalement une tripotée de morceaux certes pas hyper couillus mais bien accrocheurs comme "Locked In" où Rob Halford prouve qu'il est encore à l'époque dans une forme vocale resplendissante. Sans oublier ce clip débile dont le morceau a hérité

Mais le meilleur reste à venir, je pense surtout à "Out in the Cold" et sa profonde atmosphère nostalgique où brillent les lignes vocales d'un Rob des grands jours, la vraie perle oubliée du disque. Le final "Hot for Love" / "Reckless" enfonce le clou, avec pour le premier un ton menaçant plus prononcé de bon alloi, des effets amusants et une partie solo endiablée, et pour le second une rythmique qui fait taper du pied couplée à un sens de la mélodie qui n'a rien à envier à l'époque Screaming for Vengeance.
Pour l'anecdote "Reckless" a failli attérir sur la BO de Top Gun à la demande des producteurs qui en voulaient l'exclusivité, mais le groupe pensait que le film allait faire un bide et a donc refusé de l'enlever de l'album... manque de bol pour eux, la BO de Top Gun s'est ensuite vendue à plus de 5 millions d'exemplaires

Pour en revenir à Turbo, ne soyons pas non plus aveugle et sourd, oui la production typique de l'époque a de quoi irriter les puristes et adoucit considérablement l'ensemble, oui Dave Holland ne sera jamais le meilleur batteur du monde, oui certaines paroles sont les pires de leur carrière (ou les plus funs selon le point de vue), oui la démarche peut facilement être perçue comme "commerciale"... mais à une époque où le thrash fleurissait de partout, avec le recul on relativise mieux ce qui était "commercial"... ou pas. Car à l'heure où tout le monde accélérait les tempos, il en fallait des coui**es pour oser à contrario le tout-mélodie et les guitares-synthés quand on s'appelle Judas Priest!
C'est donc entre autres pour cela que cet album très décrié en son temps et rejeté par beaucoup encore aujourd'hui, mérite à mon avis d'être réhabilité. Peut-être pas en l'état de classique, n'exagérons rien, mais au moins comme le bon album de Metal mélodique 80's qu'il est, très daté et inhabituel pour Priest, mais attachant si on accepte la différence et si on met ses à priori de côté. Alors osons dire : OUI, J'AIME TURBO!


3,5/5
PS : Le remaster est un des plus réussis niveau son, et pas de bug majeur comme sur celui de Defenders! 2 bonus au programme avec une version live correcte de "Locked In" et l'inédite "All Fired Up" pas mal mais vite oubliée, dont certaines parties seront réutilisées 2 ans plus tard sur Ram it Down. Mais il manque toujours à cette réédition la démo du très sympa "Heart of a Lion" (donnée par Halford à Jeff Martin de Racer X!) qui n'a été sortie officiellement que sur le box set Metalogy...
Une réédition parfaite aurait donc été une réédition contenant les 7 démos de Twin Turbos jamais réenregistrées par Priest : "All Fired Up", "Turn on Your Light", "Red White & Blue" (morceau façon hymne national

Pourtant certaines d'entre elles ont été ajoutées sur d'autres remasters, genre sur des albums plus anciens (!?), 'fin c'est un peu n'importe quoi cette gestion des bonus... saloperie de label
