Devon Graves est un talent à l'état brut comme il devrait en naître plus souvent, ce n'est pas un secret pour ceux qui ont suivi la brillante mais malheureusement trop courte carrière des américains de Psychotic Waltz au cours des années 90. Après le split de ce qui restera comme un des groupes les plus originaux de l'histoire du Metal, son chanteur Buddy Lackey changeait de nom en Devon Graves et s'en allait fonder un nouveau projet un peu différent, alias Dead Soul Tribe.
Tout en reprenant les traits d'un Mosquito (1994), Graves négligeait complètement l'aspect parfois très complexe et imprévisible de Psychotic Waltz pour n'en garder que la délicatesse et les atmosphères, associées à son fort penchant pour Black Sabbath et toute la musique sombre des années 70. Deux albums plus tard on en arrive à ce 3ème Dead Soul Tribe, plus abouti que le premier opus auquel j'en étais resté, un disque à la démarche très intéressante mais qui ne m'avait pas autant marqué qu'escompté. Peut-être m'attendais-je trop à du Psychotic Waltz alors que ce n'était pas le propos...? Probable.
Maintenant d'un œil neuf je me fais à l'idée qu'il s'agit bien de Dead Soul Tribe, une nouvelle et forte identité exprimée par ce The January Tree qui s'appuie sur des bases aux confluents du Black Sabbath des 70's, de Jethro Tull ainsi que de Tool / Perfect Circle! Un mariage des genres qui confirme que Dead Soul Tribe ne s'ancre pas dans les registres traditionnels du Metal, et encore moins dans le Prog Metal cliché ou ultra-technique.
Leur secret? Cette authenticité émotionnelle, de par la voix unique et ici plus fragile de Graves qui tisse une toile de sentiments prenants et divers, mais aussi ce fantastique batteur qu'est Adel Moustafa! Son groove et ses lignes exotiques/tribales inhabituelles pour un groupe (maladroitement) catalogué Metal progressif est une des forces majeures de Dead Soul Tribe, une frappe puissante et/ou pleine de sensibilité. De la sensibilité et du feeling c'est bien ce dont il est question sur cet album sombre qui met un peu de temps à s'apprivoiser de part ses riffs frustres au premier abord, mais dont les vocaux et l'émotion latente finissent par vous prendre aux tripes.
Des titres comme la plaintive "Love of Hate", la progressive "Why", l'hypnotisante et psychédélique "Toy Rockets", la très mélodique ballade "Lady of Rain", ou encore les plus heavy "Spiders and Flies" (très marquée Black Sabbath) et "Wings of Faith" (avec sa touche électro) sont autant de compositions uniques et profondes, formant un bloc homogène malgré les particularités inhérentes à chacune. Même la pochette illustre remarquablement le côté naturel et pur de l'œuvre, de ses émotions, de sa mélancolie, de toute sa poésie. Dans cet arbre au plus profond de l'hiver se niche également les paroles et la vision du monde de Devon Graves, on est un artiste tourmenté ou on ne l'est pas!
Moins pessimiste, il nous ressort comme toujours sa fidèle flûte (et son piano) sur la superbe "Just Like a Piece of Time", originellement sortie sur son album solo (en 1993), réenregistrée pour ajouter une touche de naïveté à ce paysage mélancolique. Je reconnais beaucoup m'attarder sur le cerveau de Dead Soul Tribe, mais comment pourrait-il en être autrement lorsque notre bonhomme chante, produit et joue de tous les instruments hormis la batterie? Dead Soul Tribe est tout simplement la transcription musicale de son géniteur mis à nu.
Ce malgré l'apport important de son batteur, Dead Soul Tribe est davantage le miroir d'un artiste qu'un véritable groupe à part entière, mais cela n'empêche nullement The January Tree d'atteindre son but : toucher l'auditeur au travers d'une musique résolument authentique, l'emmener dans un univers original qui repousse ou passionne, mais qui ne peut pas laisser indifférent.
4/5
Des extraits sur : http://www.deadsoultribe.com/index.php? ... cd=january
