
J'avais découvert ces irlandais à l'occasion de leur tournée en compagnie des excellents Ancient Rites, une prestation qui m'avait soufflée (en particulier leur frontman) et à cause de laquelle je m'étais promis de me pencher sur leurs albums, ce que je fis plus ou moins. Mais pas encore assez pour être honnête, en particulier les 2 premiers albums qui figurent encore sur ma liste d'achats.
Jusqu'à ce que les choses s'accélèrent récemment pour ce groupe déjà vieux de 10 ans, avec cette signature chez Metal Blade qui les fera sans doute passer au stade supérieur et qui inaugure la première formation du genre dans le roster du label germano-américain.
L'atmosphère mélancolique et guerrière de Primordial évoque depuis un certain temps de fortes réminiscences du Bathory époque Hammerheart et cela semble s'accentuer sur The Gathering Wilderness où se rejoignent tout autant le caractère glauque du Doom Metal que des ambiances désespérées aux relents de Black Metal atmosphérique, bien que le propos de Primordial soit plus accessible. Pour preuve se greffent en substance ces mélodies folk typiquement irlandaises traduisant les racines culturelles du groupe.
Le plus impressionnant dans tout cela est leur faculté à s'être créé un style à part entière, style qu'on étiquette à tort et sans vergogne de "Pagan Metal" en raison de leur concept ou de leurs paroles fortes de sens, encore que celles-ci ont surtout trait à l'évolution des civilisations et des croyances en Europe. Sauf que leur appartenance musicale est beaucoup trop hétéroclite pour être ainsi cataloguée, la musique originale et surtout authentique de Primordial est à la portée de plusieurs publics différents.
Et pour cause, Primordial ne recherchent jamais la vitesse ni les prouesses, l'atmosphère dramatique est leur unique raison d'être grâce en particulier à ce mur de guitares sales et puissantes appuyées par une rythmique martiale, parfois tribale. Sales et pourtant si belles ces guitares, qu'elles soient féroces ("The Golden Spiral") ou douces et cristallines ("Cities Carved in Stone"), maîtresses d'un univers résolument épique où laideur et grandeur se rejoignent, à l'image de Bathory en son temps. Cette aptitude à développer des atmosphères personnelles et prenantes m'impressionnera toujours autrement plus que tous les exploits instrumentaux du monde.
Même lorsque Primordial accélèrent le tempo sur "End of All Times" ce n'est jamais un quelconque sentiment de brutalité qui prédomine mais seulement ce feeling mélancolique et dramatique magnifié par la voix unique et dépourvue d'effets d'Adrian Nemtheanga, qui en soi n'a rien d'un chanteur, et pourtant source d'émotions pures par son caractère rageur, plaintif, tourmenté voire troublant. Qu'il chante en voix claire, éraillée ou dans un registre (plus rare) black metal, cela n'a finalement pas d'importance, il évite toute monotonie et se fond de manière presque irréelle dans des "Tragedy's Birth" et "Gathering Wilderness" d'anthologie. Car plutôt que chanter ses textes, il les vit. Au point de ne pas toujours être très juste...

Quoiqu'il en soit, d'une manière générale on sent en permanence de la première à la dernière seconde un groupe investi à 200% dans les paroles et sentiments mis en valeur, ce qui leur confère une dimension supplémentaire par rapport à tous ces groupes formatés dans un moule générique.
Même en matière de production l'objectif de cet album est atteint avec justesse, volontairement très sobrement produit, sans capteurs, sans mastering abusif, pour un résultat non pas propre mais purement organique et compact où les mélodies respirent et les atmosphères émergent. On ne pourrait imaginer meilleur son pour accompagner leur sombre périple, s'il fallait vraiment établir une comparaison il me rappelle un peu celui des anciens albums de DoomSword, dépouillé et pourtant très expressif.
Le seul reproche que l'on pourrait formuler (en cherchant bien) est une presque trop grande homogénéité de l'ensemble, défaut qui n'en est pas un car on comprend aisément la démarche de Primordial consistant à rester à l'écart de tout ce qui se fait à l'heure actuelle.
Tant et si bien qu'au bout d'une vingtaine d'écoutes mon envie de réécouter l'album demeure toujours la même, et je pense ne prendre aucun risque en disant que The Gathering Wilderness va s'inscrire sans coup férir comme une œuvre majeure de la décennie, indispensable à tout amateur de Metal épique majestueux, oppressant et surtout authentique.
4,5/5
PS : L'édition limitée digipack contient également un DVD, dans la grande tradition des sorties Metal Blade

Extrait : http://www.downloadpunk.com/?action=web ... g&id=55493