Ozzy décida de constituer un nouveau groupe dans lequel figuraient le batteur Lee Kerslake (Uriah Heep) et le bassiste Bob Daisley (qui jouera un rôle primordial dans la composition des morceaux). Mais celui qui devait véritablement illuminer les débuts de la nouvelle carrière d’Ozzy était un tout jeune guitariste qui s’était déjà fait remarquer au sein de Quiet Riot, un certain Randy Rhoads.
Que dire de ce prodige de la six cordes si ce n’est que son style était hallucinant de virtuosité ? Sa dextérité en faisait un concurrent sérieux pour Eddie Van Halen même si la musique d’Ozzy était fort éloignée du big rock insouciant de Van Halen.
Qu’en est-il donc de ce 1er opus solo du Madman ?
La pochette donne dans le grand-guignol et le satanisme de pacotille (ce sera aussi le cas de celles de Diary of a madman et de Speak of the devil ). Un Ozzy au regard illuminé, affublé d’une hideuse cape rouge, se vautre sur le plancher d’une pièce évoquant un donjon et brandit un crucifix, à proximité d’un crâne humain.
Et musicalement, ça donne quoi ?
Ce qui frappe d’abord (et contrairement à ce qu’aurait pu laisser supposer la pochette), c’est qu’on est à mille lieues de Black Sabbath et de son heavy metal lent et pachydermique. Les compositions ont subi une indéniable américanisation (chansons courtes, solos concis et refrains faciles à mémoriser) alors que la musique du Sab’ (période Ozzy) a toujours eu une indéniable touche européenne.
Les morceaux ont été , en quelque sorte, dégraissés et la production très sèche de Max Norman accentue cette impression.
I don’t know débute efficacement l’album: les couplets rappellent un peu ceux de Paranoid. « Everyone goes through changes » chante Ozzy. Le groupe enfonce le clou avec Crazy train et son refrain entraînant : « I’m going off the rails on a crazy train », paroles effectivement prémonitoires quand on connaît la suite des événements. Goodbye to romance est un slow plutôt sympathique avec un agréable et obsédant arrangement de claviers à la fin.. Cette façon de débuter un disque par deux morceaux rapides en entraînants (le 1er plus heavy, le 2nd plus « tubesque ») suivis d’un slow se retrouvera sur Diary of a madman en 81 avec l’enchaînement Over the mountain, Flying high again et You can’t kill rock’n’roll.
Le reste est assez varié : Dee est un court instrumental acoustique signé Randy Rhoads et Suicide solution est basé sur un excellent riff de guitare (voilà un titre qui vaudra bien des ennuis à Ozzy par la suite, un adolescent américain s’étant, paraît-il, suicidé après avoir écouté S.S.).
No bone movies et Steal away (The night) sont deux bonnes chansons d’album, la seconde étant très “américanisée ». Revelation (Mother Earth) est totalement à part (le Killer of giants de cet album) : thème plein de sensibilité avec les claviers de Don Airey très en avant. On est à la limite du progressif et pas très loin du Air dance de Black Sabbath (sur Never say die), ce qui est quelque peu ironique quand on sait qu’Ozzy reprochait à Iommi de s’éloigner du Sab’ basique des 4 premiers albums ! « We must fight all the hate », déclare Saint Ozzy à la fin.
Mais le meilleur morceau de Blizzard… est, selon moi, le magnifique Mr. Crowley, avec son intro inquiétante et théâtrale et les extraordinaires parties de guitare de R.Rhoads, sans oublier la voix du Madman : « Mr.Crowley, won’t you ride my white horse… »
En conclusion, cet album contient 3 classiques qu’Ozzy joue toujours sur scène : I don’t know, Crazy train et Mr. Crowley. Le reste est éminemment appréciable mais un cran en dessous.
L’album, enregistré entre le 22 mars et le 19 avril 1980, se classa notamment dans les charts anglais (n° 7) et américains ( n°21). Il fut rapidement certifié platine puis double platine aux U.S.A. et a depuis dépassé le cap des 4 millions d’exemplaires vendus. Le succès du disque fit d’Ozzy un véritable phénomène de société aux Etats-Unis, suscitant l’hystérie de jeunes fans mais aussi l’ire de tout un tas de fondamentalistes religieux pour lesquels Ozzy devint l’homme à abattre à n’importe quel prix. Les tournées suivantes baignèrent dans une atmosphère de folie et on sait comment s’acheva celle de Diary of a madman.
En France, les deux premiers albums solo d’Ozzy furent assez mal accueillis par la critique, seules les parties de guitare de Randy Rhoads semblant trouver grâce auprès des journalistes.
Par la suite (et après la disparition tragique du virtuose), Blizzard of Ozz a acquis le statut d’œuvre culte et relativement intouchable qui est le sien depuis une bonne dizaine d’années.
