Allez, je me lance pour le feedback !

Dès le premier morceau ('Invocation'), la couleur est annoncée. Excellente entrée en matière puisqu'il est de prime abord dans l'exacte continuité de Prometheus : riffs martelés scandés par ces harmoniques artificielles si caractéristiques, harmonisations signées Emperor soutenues par un chant qui n'a rien perdu de son efficacité et de son placement, pour notre plus grand plaisir.
Et ce jusqu'au break, qui marque alors la rupture avec Emperor, introduisant ce qui va se révéler être l'essence même de l'album, une mélancolie magnifiée ici traduite par une ligne mélodique arpégée, soutenue par un clavier aux nappes atmosphériques propices au chant clair d'Ihsahn, plus abouti et travaillé que jamais. Un ange passe, le rêve éphémère se déroule, s'achève en un cri à la King Diamond qui nous remet à l'esprit qu'Emperor n'est finalement pas loin...
Et ceci n'est qu'un début... Les compositions, complexes, sont très aérées, entrecoupées de passages tantôt symphoniques en soutien ou encore atmosphériques au lyrisme maîtrisé. Les blasts s'avèrent peu nombreux ('Citizen', 'And he shall walk...'), et les riffs rapides cèdent aisément la place à des plans plutôt heavy.
Le spectre oscille sans cesse, passant d'une ambiance à une autre sans artifices, ce qui peut dérouter, principalement à la première écoute.
Ihsahn nous transporte donc dans un univers de sombre mélancolie, aux magnifiques mélodies envoutantes et superbement orchestrées, aux vocalises particulièrement bien interprétées. Il est à noter sur 'Homecoming' l'apparition de Kristoffer Rygg, notamment chanteur d'Ulver, ce qui ne gâche rien à l'affaire. Ce sublime morceau est d'ailleurs suivi du très épique 'Astera Ton Proinon', sur fond de piano et nappes de violons qui font également part belle à des rythmiques lentes et lourdes, une guitare plaintive portant l'auditeur vers des contrées qu'il souhaiterait ne jamais devoir quitter.
Ihsahn nous gratifie également de nombreuses et véloces prouesses guitaristiques, plaçant le tout sous un jour bien plus progressif que ne le fut Prometheus. La batterie, jouée par Asgeir Mickelson (Borknagar, Vintersorg...) est bien pensée et coordonne l'ensemble en un tout cohérent. On pourrait toutefois regretter Trym et son jeu de cymbales, qui aurait sans nul doute apporté un indéniable plus...
Bref, un album complet, possédant sa propre personnalité, sous l'influence toutefois encore marquée de quelques riffs du dernier Emperor (l'intro de 'Panem et Circenses' n'est autre qu'un ré-arrangement de celle de 'Tongue of Fire' sur Prometheus...).
Cette oeuvre montre une fois de plus qu'Ihsahn s'impose comme l'un des plus grands compositeurs du genre, aux compositions complexes et travaillées, à la recherche de sonorités nouvelles et aux talents d'arrangement et d'interprétation incroyables. Le final de l'album se fait d'ailleurs sur une tonalité néo-classique laissant entrevoir les prémices de ce qui pourrait bien être un opéra rock...
Les nostalgiques d'Emperor, qui souhaiteraient voir dans cet album le come back tant attendu, seront peut être un peu déçus; ceux qui voyaient en ce groupe trop de violence seront sûrement ravis... Quoiqu'il en soit, que l'on apprécie ou non, l'écoute de cet opus ne peut laisser insensible et je souhaiterais donc répondre au titre 'Will you love me now ?' : c'est évident, et pas seulement maintenant mais depuis quelques temps déjà, Ihsahn !


