
Grand retour de Dissection après 8 ans d'attente abolument insoutenable, rendue toutefois moins pénible par la sortie en 2003 de l'excellent 'Live Legacy'. Une reformation qui enfin se concrétise, album à la clé, nous promettant : "Les onzes morceaux [...] sont une combinaison d'idées écrites avant et après mon emprisonnement. [...] Il est vrai qu'il était prévu qu'un album sorte en 1998 [...]" - Jon Nödtveidt, Metallian 31, 2ème trimestre 2003.
Autant dire des heures de bonheur en perspective, une hâte à la jubilation si on se souvient qu'en 1998, 'Storm of the Ligth's Bane' n'avait alors que 3 ans...
Dissection a su, à travers 'The Somberlain' et 'Storm of the Light's Bane', attiser le feu du métal, lui insuflant ses nouvelles flammes, un black metal mélodique efficace, rapide et majestueux, un style à part entière, une sombre personnalité qui influencera par la suite bien d'autres groupes. Dans ces conditions, il est évident que la sortie de 'Reinkaos' est un évènement, le rendez-vous des anti-cosmiques, un come back visant à parachever la signification du mot 'culte'... C'est donc le coeur battant la chamade qu'on commence l'écoute de cette nouvelle offrande à des fans toujours plus insatiables...
L'album débute par le titre 'Nexion 218', sur une guitare acoustique arpègée aux sonorités dont seul Dissection possède le secret. Scandée par une caisse claire aux brèves allures martiales, un coup de gong endurci, les premières affres d'une guitare martelée en un son puissant, pour aboutir sur une majestée annoncant que Dissection est sur le chemin du retour...
Et quel retour ! les morceaux vont se succéder, la bouche entre-ouverte va se figer, un filet de bave suinte à mesure que le décontenancement se fait...
Mais où diable sont passées les harmonisations infernales de 'Somberlain', les ambiances sombrement diaboliques de 'Where Dead Angels Lie', les structures variées d'enchaînements ultra rapides et enchevêtrés de riffs effrenés incroyablement véloces à la 'Night's blood', 'A Land Forborn', 'Heaven's damnation' ou encore 'In the Cold Winds of Nowhere' ?!.
Les titres s'enchaînent, alignant des rythmiques saccadées basiques et dans l'ensemble largement similaires les unes aux autres. La batterie elle-même, autrefois appuyée et marquée par d'interminables descentes de toms, cède la place à des patterns lourds, simples et sans grande diversité. Le chant demeure puissant et hargneux, bien que dépourvu de la production black des précédents albums. Il semblerait d'ailleurs que celui-ci ait été délibérément mis en avant, phénomène accru par l'absence d'intérêt de l'instrumentalisation, au regard des précédents opus.
Dissection nous livre donc un album dénué de tout ce qui fut Dissection, marquant là l'entrée dans une nouvelle ère, celle d'un Death mélodique à la 'Clayman' d'In Flames. Surprenante orientation, alors même que les passages accoustiques, qui constituaient une des marques de fabrique du groupe, ont perdu leur dimension d'antan, cette sombre magnificence qui venait aérer des morceaux comme 'Thorns of Crimson Death'. Il pourrait rester 'Chaosophia', intermède acoustique de 41 secondes (fort joli au demeurant) qui, en comparaison à 'Crimson Towers' (47 secondes) de l'album 'The Somberlain', reste tout de même moins touchant.
Tout au long de cette déroute auditive, un morceau se détache, celui-là même qui a donné son nom à l'album : 'Reinkaos'. Instrumental, il laisserait entrevoir, non sans quelques fouilles, l'influence d'une première période déjà bien lointaine et maintenant regrettée. On aurait pu tenir le concept, dommage cependant que cela n'ait pas été une ligne directrice pour l'album, ce qui aurait pu être une bonne entrée en matière pour un renouveau, puisqu'il en fallait visiblement un...
Dans cette nouvelle voie, certains, notamment les nouveaux venus dans l'univers Dissection, pourront sans doute en apprécier l'écoute. Dans ce contexte, il s'agit d'un album tout à fait classique, sympathique à écouter, éventuellemnt si rien d'autre de meilleur ne se présente... On y trouve des riffs très accrocheurs et même propices au headbanging, entrecoupés de nombreuses mélodie entrainantes et non moins accrocheuses ('Xeper-I-Set', 'Maha Kali'). Des soli bien sentis sont exécutés avec talent, sur 'Dark Mother Divine' ou encore 'Internal Fire'. Ceux-ci sont, soit dit en passant, beaucoup plus libres, moins cadrés et bien loins des anciens, qui étaient bien mieux intégrés aux morceaux de par leur construction bâtie sur de superbes mélodies dans le prolongement des passages les introduisant.
Ceci n'est plus un scoop, mais les textes comportent des extraits issus du livre "Liber Azerate" de Frater Nemidial, disciple du MLO (Misanthropic Luciferian Order) - tiré du site officiel. Les textes sont de véritables hymnes aux forces obscures, quand ils ne constituent pas des rites incantatoires, invoquant tantôt Dragons du Chaos, Lucifer ou Lilith pour ne citer que les plus connus.
Il est à espérer pour Jon Nödtveidt que les forces chaotiques des plans inférieurs n'aient pas la déception de cette (dés)orientation, et par là même qu'elles ne s'attendaient pas à un retour du Grand Dissection... qui pourrait alors bien tomber dans les profondeurs infernales de l'oubli...
Pour conclure et si vous souhaitez écouter un métal sympa en invoquant quelques démons histoire de boire une petite mousse, alors cet album est fait pour vous ! Si, au contraire, vous vous attendiez à l'une des meilleures sorties de l'un des meilleurs groupe qui fut, alors considérez cet album comme étant celui d'un groupe qui pourrait bien s'appeler 'Dissection of the Flames' et resortez donc les précédents chefs-d'oeuvre qui, eux, restent d'immuables références dont il est impossible de se lasser...
En tant que grand fan de Dissection (première période, puisqu'il en est désormais ainsi), j'ai apposé une note de 3/5. Pour être franc, j'ai longuement hésité à mettre 2, mais une telle note pour Dissection, ça me fout quand même les boules (déjà 3 aïe aïe aïe...).

L'album serait sorti un 1er avril, j'aurais compris le message... Mais un 1er mai, j'y comprends plus rien...

Dissection se serait engagé à rembourser l'album en cas de non satisfaction, peut-être faudrait-il leur éviter les frais de retour...
