Dans la lignée de mes derniers concerts depuis la reprise, je n'avais pas vu KREATOR depuis un sacré bout de temps.
Ils sont en tête d'affiche à la Laiterie et non pas en soutien de LAMB OF GOD comme sur le reste de la tournée, ce qui m'a convaincu de faire le déplacement.
En outre ils sont accompagnés dans cette soirée par les joyeux drilles de MUNICIPAL WASTE, autoproclamés éboueurs du thrash depuis une vingtaine d'années. Ou plutôt du trash pour une fois, tri des déchets non garanti.
Champions en titre des clips intellectuellement en-dessous du niveau de la mer (pré-réchauffement climatique), après avoir débutés sur des thématiques plutôt typées horreur kitsch, les virginiens ne se prennent absolument pas au sérieux et on va vite le comprendre.
Certes leur speed/thrash/crossover débridé est parfois aussi prévisible que le parcours matinal d'un camion poubelle, et les influences SUICIDAL TENDENCIES, ANTHRAX et NUCLEAR ASSAULT sont plus qu'évidentes, agrémentées de quelques touches classic heavy metal pour que la sauce prenne. Mais ils maîtrisent totalement leur recette et il est difficile de ne pas se laisser convaincre par cet entrain débonnaire et communicatif à faire slammer tout un EHPAD en déambulateur. Le groupe constate avec malice que le pogo se déclenche dès la toute première chanson, pour la première fois de la tournée, de bonne augure pour la suite qui consistera effectivement en un exutoire ininterrompu de mosh pits et stage diving irréfrénés dans la bonne humeur.
Avec ces textes au-delà de la vitesse maximale autorisée et ces refrains aussi décérébrés qu’exubérants, l'agonie du micro qui n'a pas supporté cette overdose de mosh ne ralentira même pas la cadence, puisqu'ils envoient alors sans la moindre coupure un titre en version instrumentale le temps de retrouver du matos opérationnel. Bien géré, rien à dire.
En toute franchise leur répertoire serait quand même un peu trop limité pour une tête d'affiche à mon goût, ce que reconnaît quasiment leur frontman adepte de l'auto-dérision : "Vous n'en avez pas encore marre de toute cette merde? Bon et bien en voilà encore un peu!"
Merci de cette sollicitude puisque le public quémande bruyamment de se faire remuer dans la benne à ordures, en un peu moins d'une heure c'est idéal pour se mettre en jambes à défaut de gagner des connexions synaptiques. Au moins ils n'ont pas laissé indifférents, et à l'avenir je penserai à eux à chaque expédition à la déchetterie.
Tel un contrepied complet de l'âme adolescente qui vient de s'évaporer à l'instant, KREATOR entre dans sa quatrième décennie en s'affirmant comme un groupe au propos révolté aux aimables penchants misanthropiques. Derrière des chansons parfois aux titres rincés dignes d'un générateur de nom aléatoire, ou aux relents pseudo-satanistes pour attirer le chaland en mal d'insurrection de salon, se cache souvent un texte plus étoffé et à double sens qu'il n'y paraît. Mais comme pour UDO la dernière fois au même endroit, leur leader Mille Petrozza n'en fait quasiment jamais mention sur scène, peut-être de peur d'égarer son public.
Cette pudeur mise à part, la communication du quatuor reste forcément très expérimentée, moins furibarde ou offensive que fut un temps, devant un public acquis à sa cause (for conflict?). On retiendra forcément le décorum lugubre et morbide à base de joyeux empalements entre amis, paradoxalement soigné avec la plupart des pochettes d'albums en guise de backdrop intégral ainsi que des lumières plus ou moins kreatives.
Les allemands perdent finalement leur majorité germanique, après un guitariste finlandais de longue date c'est le tour du nouveau bassiste français Fred Leclerq qui aura quand même la possibilité d'aligner quelques mots pour annoncer une chanson. Ils font surtout le choix un peu étonnant de consacrer toute la première partie du set aux morceaux issus de la reformation post-2001, puis d'annoncer une compilation old school 1985-1990 en seconde partie. Cette césure accentue visuellement et soniquement la différence entre les accents mélodeath et aventureux actuels face au registre plus purement thrash, parfois brutal, parfois chirurgical des premiers albums.
En soi cela ne me dérange pas plus que ça, et je ne fais pas partie des puristes qui renient l'évolution du groupe vers des terrains plus mélodiques et accessibles ; telle une bonne poire je sais notamment apprécier "Satan is Real" (si seulement!), "Phantom Antichrist" (encore lui?), l'hymne "Strongest of the Strong" (quoi, une chanson positive?) et le titre appuyé par une chanteuse "Midnight Sun", joué pour la toute première fois sur la tournée. Ceci étant dit, une bonne rouste supplémentaire de temps en temps ne fait pas de mal non plus pour adoucir les mœurs (genre "Enemy of God" bien sûr ou sinon "Demonic Future" sur le dernier album, non jouée ce soir à mon grand dam).
Un peu moins authentique est cette tendance apparemment contemporaine de demander au public des walls of death et circle pits de manière insistante sur commande, mais après tout pourquoi pas si les fans s'y retrouvent et s'y adonnent.
Je n'obéis pas aux ordres mais je veux bien faire obédience aux classiques que sont "People of the Lie", "Terrible Certainty" et "Pleasure to Kill", sans la voix écorchée de l'époque mais avec encore toute la radicalité nécessaire pour assommer l'assistance.
Pas de rappel ce qui est assez rare, et ce qui n'a pas d'importance, les 90 minutes nihilistes de KREATOR se suffisent à elles-mêmes. Maintenant chacun peut rentrer chez soi repus, et abhorrer avec le sourire ce monde en perdition.
Society failed to tolerate me
And I have failed to tolerate society
Still I can't find what you adore
Inside I hear the echoes of an inner war
Nothing can take the horror from me
Your sick world the loss of all morality
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