Painkiller...
Je ne devais guère avoir plus de 10 piges et je découvrais notre monde musical saturé et débridé à travers les k7 et rares CDs de mon grand frère.
Surtout Maiden période Di'Anno, Metallica, les Guns, etc. Et j'ai posé à mon frère cette question naïve (que m'a d'aileurs récemment posé mon fils,
qui a maintenant le même âge):
"- Mais c'est quoi le groupe le plus violent dans le metal?"
"- Ah... Euh... Ben y a ce groupe là, Jus D'a Prix Aiste... Tu devrais essayer"
Painkiller...
D'abord ce visuel qui te marque à jamais la rétine. Et puis la musique bien sûr. Une tornade qui te laisse hébétée. Cette violence maitrisée et déchainée
quasi non stop mais tout en ayant suffisamment de mélodie et de refrains qui tuent pour ne pas que tu décroches. Tout le talent et le savoir faire du Priest
(dont je n'avais aucune idée alors bien évidemment) mais version "over the top" et avec une production parfaite.
Comme le dit si bien un certain Canard WC de Nightfall:
Il est tellement bon cet album que je lui en veux presque...
Parce que PAINKILLER n’est non seulement pas représentatif mais il fait passer le reste de la disco du groupe pour de la gentille Pop Rock
Quelques décennies ont passé. Entre temps, j'ai eu la chance de voir quelques magnifiques concerts du groupe avec ses deux guitaristes emblématiques
et un Halford à peine sexagénaire. De belles grosses claques qui émoustillent la fierté du fan!
Mais ces derniers temps, ce n'était plus vraiment ça, malheureusement.
Côté studio, "Nostradamus" est le dernier album vraiment surprenant d'un groupe qui savait se renouveler et prendre des risques.
Côté line-up, exit Tipton et Downing si indispensables aux duels de guitare emblématiques des anglais.
Côté live, certes des playlists qui se renouvellent mais rien d'aussi ultime que l'enchainement "Beyond The Realms of Death", "The Sentinel"
et "Blood Red Skies" de la tournée Epitaph.
Alors l'annonce d'une tournée consacrée à "Painkiller" éveille mon intérêt mais première douche froide en jetant un oeil à la setlist de la première date.
Certes 7 titres de Painkiller mais pas de "Leather Rebel"? Bordel, ce titre n'a jamais été joué et il tue. Pourquoi?
Quant à la partie "Shield" du "Shield of Pain", clairement pas les morceaux les plus marquants du dernier album.
OK je n'avais qu'à pas louper la tournée d'avant, mais rien ne les empêchait de garder "Crown of Horns" et "Invincible Shield"...
Quelques jours plus tard, j'assiste tout de même au concert du Hellfest, parce que merde, c'est le Priest, bordel!
Je n'en ressors pas forcément déçu mais je me dis que si le concert était très honnête, les belles années sont derrière, même si Halford fait ce qu'il peut, que le jeune Richie est un sacré bon gratteux, que la setlist contient son lot de petites pépites. Toujours est-il que l'on va maintenant les voir comme on visite un musée, bien sagement et respectueux devant l'oeuvre de l'artiste. Finies les baffes, finie la magie, fini le poing levé vers le ciel et les "Priest! Priest! Priest!" parce qu'on en veut encore.
Je décide donc dans un premier temps de revendre mes 2 places pour le concert de Carcassonne mais pas de revente facile via des sites type ticketswap ou autre et trop la flemme d'essayer de les revendre à l'ancienne. Du coup, ma chérie n'étant absolument pas motivée par cette date, je finis par proposer la place à Pierre en échange du taxi aller-retour car aucune envie de faire le trajet dans ma vieille twingo seul.
On se retrouve finalement à 4, dont le Fab, pour faire le trajet mais aucun de nous n'est réellement enthousiasmé par ce concert pour des raisons diverses.
On arrive donc à l'arrache dans le théâtre Jean Deschamps de la cité de Carcassonne déjà bien rempli. Pour ma part, c'est mon premier concert en ces murs et comme l'a déjà très bien dit Pierre, le lieu en impose sacrément et donne un cadre absolument unique et un côté à la fois théatral et intemporel
que ne peuvent pas apporter les salles plus modernes. Le Fab a l’idée géniale de nous placer au fond, avec personne derrière nous et la possibilité de nous lever quand bon nous semble. Merci! D'autant que même là, vue la configuration des gradins, on voit quand même parfaitement la scène et les musiciens.
Pour un concert, le cadre c'est important, la setlist, la forme et l'envie du groupe, aussi évidemment. Mais l'autre facteur qu'on a tendance à oublier,
c'est évidemment le public. Et ce soir, il va constituer la première différence flagrante avec la date du Hellfest.
J'ai rarement vu autant de t-shirts du Priest au mètre carré, preuve s'il en est qu'une majorité de fans font partie de l'audience et ça, ça change tout!
De nombreux espagnols ont d'ailleurs fait le déplacement et on se marre bien en voyant quelques "Juan Miguel Rôti" déambuler sérieusement éméchés
entre les gradins, mais on est bien contents qu'ils soient présents car le public métalleux ibère reste une valeur sure à l'applaudimètre et sait faire
honneur à nos vieilles gloires. Des cris résonnnent dès les premières notes de "War Pigs" et un véritable chant de supporters s'éléve dans les tribunes.
"All guns blazing" démarre parfaitement les hostilités. Pierre et moi braillons les paroles à qui mieux, mieux. J'ai alors l'appréhension que quelqu'un
va se retourner et nous pourrir ce moment de communion en mode "non mais oh, c'est pas fini de gueuler en continu?".
J'y ai tellement eu droit ces derniers temps, en mode plus ou moins sympa. Encore tout récemment à un concert de Blaze Bayley au premier rang...
Mais non, pas ce soir. Ca existe donc encore des gens qui viennent à un concert de metal pour faire la fête plutôt que d'exiger d'être dans les mêmes conditions que leur salon? Qui ne filment pas en continu comme des trépanés?
Du haut de nos gradins, on peut voir une forêt de bras s'abattre au son des "hey! hey!" et de la rythmique implacable de "A Touch Of Evil" (notamment) et que c'est jouissif. Et bordel, que ça m'avait manqué de me lâcher autant devant un concert de Judas!
L'autre grosse différence par rapport à la date du Hellfest, c'est Halford. Bien plus en voix, tout semble passer avec aisance ce soir pour notre plus grand bonheur.
Etonnament ses aigus sonnent mieux que ses mediums mais ça n'empêche pas les morceaux plus "plan-plan" vocalement et qui avaient tendance à bien me gonfler (au hasard "You've got another thing coming" ou "Breaking the law") de bien mieux passer ce soir. Là aussi, surtout grâce à un public qui répond présent.
Mine de rien, on se prend une sacré paire de mandales pendant une bonne moitié de concerts. Les "Hell Patrol", "Freewheel burning" et autre "Nightcrawler" humidifient sacrément bien les caleçons de l'assistance (petite dédicace à Talasquin

) et font monter l'adrénaline.
On en oublierait presque que 2 des membres du groupe ont dépassé les 70 printemps mais comme dit précédemment, la sauce retombe un peu lorsque démarre "Solar Angels", unique extrait de "Point of Entry". L'occasion pour moi de regarder un peu plus en détail le jeu de batterie du sieur Travis. Et là, force est de constater que s'il a été et est toujours l'homme de la situation pour "Painkiller" avec sa rythmique implacable et véloce, dès qu'on diminue le tempo et qu'on laisse de la place pour un peu plus de finesse, ben y a plus personne... Que ça manque de jeu de cymbales, de changement de rythme et de toucher, tout ça.
Pendant ce temps, Ian Hill fait son Ian Hill dans son mère carré réservé. Il m'a assez régalé sur la reprise de "War Pigs" pour le concert "Back to the beginning" mais là, on retourne en mode fonctionnaire, gardien du temple.
Côté grattes, Andy Sneap fait très largement le taf, même si très souvent relégué à la rythmique. Faulkner est toujours impressionnant mais bien plus concentré et moins en interaction avec le public que par le passé. Dommage, mais vu les graves soucis de santé qu'il a traversé et qu'il traverse encore,
ce n'est pas trop étonnant non plus. C'est donc principalement sur Rob Halford que repose la communication avec le public (elle avait effectivement été reléguée à Scott Travis dans le passé) et on peut dire que le metal god s'est très nettement amélioré de ce côté là.
Je le trouve beaucoup moins froid que par le passé. Pour avoir assisté à un concert de Judas à Birmingham où j'espèrais quelque chose de particulier du fait qu'ils jouaient à la maison, dans le berceau du heavy metal, et où on a juste eu droit à un petit et timide "It's good to be home" juste avant la fin du concert, j'avais été sacrément déçu.
Avec le poids des années, le père Rob est devenu bien plus touchant, confiant avoir dit à un Lemmy, bien mal en point, croisé dans un aéroport, à quel point il tenait à lui. Son eulogie lors des funérailles du leader de Motörhead (où il évoque ce moment) est à ce titre, juste et classe comme il faut.
C'est donc assez naturellement qu'il se livre un peu plus avant le titre "Giants in the sky" en remerciant d'abord son public et surtout en ne tenant pas le même discours mécaniquement d'une date à l'autre. Je craignais d'entendre la même chose qu'au Hellfest, mot pour mot, mais pas du tout et il ne manquera pas de souligner qu'il est heureux de jouer dans un cadre aussi magnifique pour la première fois en plus de 50 ans de carrière.
Mais avant ce petit speech, on savoure deux pièces maitresses de "Painkiller" à savoir "Between the hammer and the anvil" et surtout "One shot at glory".
Ce dernier morceau est clairement dans mon podium des meilleurs titres du Priest. Une tuerie ultime, épique et avec un refrain à soulever une armée de metalheads!
Vient donc ce "Giants in the sky" tiré du dernier album. Pendant le pont où Rob se livre de fort belle manière ("If you only knew just how much you mean to me / And how your love still gets me through the day"), les visages de Lemmy, Dio et bien d'autres légendes disparues apparaissent sur l'écran.
De nos jours, cette thématique me parle quand même bien plus que les histoires de moto ou de bestioles venues de l'espace et je suis content que Rob
se permette ce genre d'introspection à présent (comme pour "No Surrender" dédié au combat de Glenn Tipton contre cette saloperie de Parkinson).
Le concert se termine par le, ou plutôt les passages obligés d'un concert de Judas Priest.
On commence par "Painkiller", plutôt bien introduite par le petit laïus evil qui se trouve au dos de la pochette, petit clin d'oeil sympa aux fans geeks.
Si on se demande à raison pourquoi continuer à jouer ce morceau pour voir Halford plié en deux et à la peine, on comprend vite à la réaction du public
qu'il est quasi impossible de faire l'impasse. Toujours est-il que ce soir, le metal god est en grande forme et que s'il démarre comme d'habitude en mode
statique, il se permet de déambuler avec plus d'aisance sur la fin du morceau pour achever une performance quasi irréprochable.
Et si trigger, assistance, bande, ou autre, il y a, d'une part, ça sonne clairement "live" (en gros c'est pas un concert de WASP

) et d'autre part,
je peux témoigner qu'Halford était bien meilleur à Carcassonne qu'à Clisson et ce, à quelques jours d'écart.
Et vu que j'étais à deux doigts de revendre ma place, on ne peut pas m'accuser d'être dans l'idolatrie béate et naïve.
Vient l'heure du rappel. Ca commence bien avec un "Electric Eye" bienvenu, toujours aussi efficace et qui ne fait pas partie du club des morceaux lourdingues.
Pour "Hell bent for leather" et le passage obligé en mode moto, cuir, clous et cravache, je dois être un des rares à ne pas me lasser de ce titre écrit par
Tipton. Je l'ai toujours trouvé court et efficace donc pas de souci.
Bon par contre, "Living after midnight", dans le genre morceau lourd à des kilomètres (des miles plutôt) des meilleures compositions des anglais, on est en plein dedans. Mais j'ai tellement passé un bon concert, que ça me passe l'envie de jouer les grincheux et à l'inverse, me pousse à remuer des fesses et à gueuler les "Loaded" qui s'affichent à l'écran en mode karaoké.
Bien conscient d'avoir été au top et d'avoir pu livrer la performance qu'il souhaitait devant un public conquis, Rob Halford se fent même d"un inhabituel et rageur "We are Judas Fucking Priest!!"

avant de quitter la scène.
Le metal god serait-il le Heisenberg du heavy?
- Now, say our name!
- You're Judas Priest...
- You're goddamn right!"
Que s'est-il passé? Aurais-je retrouvé la foi? Jamais je n'aurais pensé assister à un si bon concert d'un Priest des grands soirs. Je repars avec un moral
remonté à bloc de cette cité médiévale qui sera maintenant marquée dans mon esprit par le trident qui orne bon nombre de mes CDs, vinyles et t-shirts
depuis si longtemps. Amen!
