Ce concert était de la folie furieuse !
Et gare aux mi-mines, car ce soir, personne ne verse dans la dentelle !
À commencer par le choix judicieux de la salle, logée en plein milieu de l'élégant XIIème arrondissement de Paris, quartier qui ne dort que par intermittences de par sa proximité au carrefour surpeuplé exercé par la Gare de Lyon.
Une première pour moi ici, non seulement Les Combustibles ont le luxe polyvalent de servir à la fois de traditionnelle guinguette et de bar, mais l'estrade de la scène y est disposée tête bêche avec la porte d'entrée (de jeu), ne laissant aucune échappatoire à l'emprise de l'irrésistible appel de la volatile propagation sonore qui viendrait flirter avec les riverains un peu curieux happés par les charmes de la devanture de la salle, trottoir dallé y compris ; mais ils ont aussi la bonne idée de répartir aussi d'emblée le
merch' le long du corridor sur lequel débouche le porche.
Le seul regret que je formulerai, pour faire écho à la problématique évoquée au regard du concert de Crucified Barbara à Toulouse, est que là aussi, la scène n'étant pas surélevée, il devient difficile d'avoir une visibilité d'ensemble des musiciens au-delà des tous premiers rangs.
Personnellement je m'en fous, la musique s'est parfaitement suffit à elle-même, sans compter que j'ai passé plus de temps à secouer la crinière qu'à fixer l'estrade !
La configuration particulière des 3 groupes de l'affiche, exclusivement en
power-trio, ne manquera pas non plus d'interpeller, dans la mesure où elle implique généralement une part belle à l'impact direct, net et sans bavures, et par-dessus tout, le côté brut de décoffrage qui peut parfois manquer à des orchestres trop nombreux en postes instrumentaux.
Ici on va à l'essentiel, sans qu'à aucun moment l'expression ne se pare d'insinuations dépréciatives : tout dans les compositions ou improvisations des 3 groupes est étudié pour mener l'auditeur à la terre promise de la béatitude mélomane, l'Eden hédoniste musical, le paradis des sens.
Et ce n'est pas le son initialement trop brouillon du premier groupe, bien rapidement réduit au néant par un éclaircissement certain des textures de chaque instrument, qui se mettra en travers des prémisses d'une soirée amorçant d'ores et déjà son ascension vers un Valhalla tripatif suprême, ou, si l'on l'envisage par esprit de contradiction, le Ragnarǫk('n'Roll) démoniaque d'un purgatoire de défoulement sans limites !
Climat survolté, ambiance explosive, public déchaîné et chaleurs caniculaires seront les maîtres mots de la soirée.
Avec une gradation
crescendo le long d'un spectre s'étalant du très bon à l'excellentissime, entre le collectif trois-pièces Suédo-Hongrois de Hag, le triangle psychédélique Portugais de Black Bombain, et bien sûr la vedette de la soirée, qui se fera un peu attendre, le temps de nous balancer malicieusement une succession de faux départs glissés au cours de leurs étalonnages de dernière minute, qui plus fera progressivement monter la sauce d'un cran supplémentaire en termes d'intensité et d'insoutenabilité.
J'ai franchement rarement vu un public aussi surexcité dans un volume restreint, encore très aéré lorsque les premières hostilités investissent l'estrade, mais qui ne tardera pas à se remplir doucement mais sûrement au gré des développements hypnotiques et interminables de chaque groupe, jusqu'à regorger, plein à craquer, d'un monde unanimement fédéré par le pavé jeté dans la marre de cette cérémonie
Stoner menée, grosse caisse battante, dans les confins des règles de l'art.
Il fallait voir les plus dynamiques s'envoyer littéralement en l'air pour profiter des éphémères bains de foule aériens, le hardi
slam ayant vite fait d'être inhibé (mais également imbibé, à en juger par le grand nombre de pintes et de bouteilles de mousse qui circuleront dans la soirée !) par la très réduite hauteur de plafond, qui devait à tout casser effleurer les 2m50, les genoux des plus agités venant ainsi régulièrement heurter les projos fixés à même ledit plafond, au grand dam de quelques vigiles qui sont manifestement intervenus en toute diplomatie pour calmer un tant soit peu la grandiloquente catharsis déployée à la moindre offrande du
trio susceptible d'éveiller en chacun de nous le plus bestial instinct animal.
Il n'en faudra en effet pas moins pour faire parler les tripes, tout le public versant sans réserves dans les déhanchements et le
headbang les plus assidus et passionnés qui soient.
Un plaisir pour l'exaltation de la fureur de vivre plus ou moins retranchée chez certains, aussi bien que des sens, la communion qui règne aux Combustibles ne faisant qu'engendrer toujours plus de regains de frénésie de la part du
gang de Morgantown.
Et encore, à l'apparition des figures patibulaires de ses musiciens aux dégaines de bûcherons décomplexés, telle terminologie n'est pas dérobée : il faut voir Rob Oswald, sa longue barbe hirsute et son treillis qui aura vite fait de prendre congé pour laisser le batteur torse poil derrière ses caisses, pour le croire !
Entre
Doom lancinant à forts relents Sabbathiens et
Space Rock ultra-planant, étirements atmosphériques à rallonge en veux-tu en voilà (à tel point qu'on n'aura pas applaudi très souvent, quoiqu'à tout rompre systématiquement !) et surcharges de
riffs tranchants, Karma To Burn nous envoie parpaing sur parpaing dans la face, et on en redemande !
Le groupe assurait déjà un max en studio, il déboîte carrément à très grande échelle sur scène !
À l'entracte, et en coup de vent, je croise même Romain sur le départ, décidément de tous les instants, qui a préféré s'économiser pour demain, dommage au vu de la prestation grandiose qu'il a ratée, mais sage décision compte tenu de la dépense d'énergie colossale à venir de tous les bords !
Le spectacle était assurément au rendez-vous, défouraillant sec de bout en bout, physiquement épuisant et pourtant si rassasiant en même temps.
Quelle étrange sensation que cette plénitude indubitable alors qu'à n'en point douter, les kilocalories dépensées, litres de sueur déversés et courbatures cervicales encaissées s'accumulent en files telles les familles
lambda à la porte des boulangeries berlinoises dans les années '30 !
J'aurais volontiers pris du rab', même si j'ai rien à redire par rapport au magnifique condensé d'adrénaline auquel on a eu droit.
Vous qui les verrez au Desert Fest, je vous envie !
Messieurs, régalez-vous bien, et n'en ratez surtout pas une miette, parce que ça envoie !
Karma To Burn :
William Mecum : Guitares
Rich Mullins : Basse
Rob Oswald : Batterie
01) Forty-Seven
02) Eight
03) Thirty-Nine
04) Forty-One
05) Fourteen
06) Thirty
07) Forty-Two
08) Five
09) One
10) Nineteen
11) Thirty-Two
12) Twenty-Eight
13) Twenty