Well, well, well, … plutôt que de parler en détail des groupes et de sets lists que d’autres feront sans aucun doute mieux que moi… j’ai préféré parler de ce que j’ai perçu globalement du festival.
Ne suis-je pas « trop vieux pour ces conneries » ? me demande-je, en sortant à 18h30 de la station de métro Bercy et en contemplant avec ahurissement les adolescents tout de noir vêtus et de logos décorés, contrastant ostensiblement avec ma chemise beige et mon petit levis bien coupé, impression vite renforcée en gravissant les marches du POPB, constellées de débris de verre de provenances variées, es uns de la maison Kronenbourg, es autres –pour les plus fortunés- de la maison J&B que mon foie habitué désormais aux produits plus nobles et raffinés, refuse catégoriquement. Bref c’est avec un dégout et un mépris certain pour cet étalage ordurier de beuverie de masse, que je me rends « aux contrôles » ou après un tâtonnement de pure forme de vigiles un brin dilettantes, j’entre dans le hall de ce « festival » du métal.
Première nouveauté : le placement n’est plus libre. Je m’étais en effet aperçu en achetant mon billet que les places étaient numérotées mais j’avais largement sous estimé l’effet sous-jacent de cette nouvelle disposition : chaque porte de la salle de torture phonique est désormais gardée par un cerbère, qui vérifient une nouvelle fois l’authenticité des billets et nous dirige vers une hôtesse (?!) chargée de nous placer (Non, vous ne rêvez pas, vous n’êtes pas Salle Pleyel et encore moins à l’Opéra de paris… vous êtes bien au festival Unholy Alliance ou vous êtes sensés vous vriller les tympans à coups de riffs et de futs martelés). N’ayant pas d’autres choix que de me plier à cet étrange rituel, je décide de suivre docilement la demoiselle à la chair aussi fade qu’un flan industriel (les connaisseurs comprendront le parallèle) qui m’indique mollement et négligemment une place située quatre rangs plus bas, à l’extrême gauche de la scène. Deuxième surprise : j’ai beau avoir pris la place la plus chère, je me retrouve avec un angle de vision proche de l’angle mort !!!! bien que près de la scène en terme de distance -20 m- et à une hauteur respectable, j’ai face à moi un énorme bloc d’enceintes qui me cache le centre de la scène et logiquement le coté droit au fond de l’arène…tout à mon désenchantement, je lâche sans protester une piécette de 2 euros à l’apprentie péripatéticienne des arts et spectacles qui quémande « un petit geste » (avec le recul je me maudis de ne pas lui avoir dressé mon majeur en guise de petit geste » !!!) C’est sûr maintenant, je ne suis pas un concert de Metal, mais bien dans un obscur théâtre à Montparnasse ! je suis dans la quatrième dimension… Je m’installe tant bien que mal à l’endroit indiqué pendant que la lumière est encore vive : je suis arrivé en pleine pause et j’ai apparemment déjà raté Gojira et Thine Eyes Bleed, les techniciens préparant l’entrée de Lamb Of God dont j’apprécie les riffs asynchrones.
Le réservoir vidé par mon périple, je décide de quitter mon séant pour me rendre -sur la réserve- au Pit Stop le plus proche, dont je sais par avance que trouver du sang plomb 98 en pareil lieu tient de la chimère mais bon sur les routes désertiques il savoir parfois se contenter de mélange complété d’additif : après 20 minutes d’attente, je parviens m’offrir le cristal Roederer du pauvre : une 1664 . Par un miracle que j’ai encore du mal m’expliquer, j’ai réussi à attirer l’attention de l’une des deux vendeuses sensées répondre aux attentes des 200 loustics qui entourent fébrilement le comptoir : peut être le côté décalé de la chemise beige ou le classicisme de mes lunettes de consultant…mystère !
Quoi qu’il en soit, de retour avec mon gobelet (en tant que vieux con, j’ai connu une époque où l’on pouvait conserver les précieuses boites en fer blanc qui faisaient d’excellents projectiles à première partie…) je dois une nouvelle fois présenter mon billet –si si je vous jure !!!- au cerbère pour retrouver ma place-la-plus-chère-à-angle-mort. Un bref instant, je me demande si la radasse intermittente ne va pas me taper encore un jeton mais non j’ai été de mauvaise foi, le racket à ses limites, puisque je peux regagner mon siège rouge de communiste sans verser de dime. Je commence à siroter l’odieux breuvage à mauvaise choucroute en scrutant la fosse en me disant que dès que les choses sérieuses vont commencer (En tant que vieux con –je le rappelle- je n’ai d’ouie et Dieu , pardon d’yeux que pour SLAYER), je vais subrepticement me glisser «Into the pit» (hommage discret à Testament, autre groupe de vieux …) et là troisième surprise, un molosse garde l’accès à l’escalier ! une regard circulaire confirme hélas l’affreux soupçon : en raison de la diversités des prix des billets, la libre circulation des hommes est interdite (On est pourtant dans l’espace Schengen Bordel !!!) puisque des bodyguards hypertrophiés du thorax bloque tous les accès : ainsi, ceux qui ont acquis des places pour la fosse resteront dans la fosse pendant quatre heure et les autres, les bourgeois, avec leur ticket sans visibilité à 43,10 euros, n’auront pour choix que de se lever et savoir rester en équilibre instable pour headbanger ou avoir le cul rivé à la chaise en plastoque et bouger la tête ! Que du bonheur…
Heureusement l’obscurité m’arrache à ma songerie mélancolique d’une époque aujourd’hui disparue et les projecteurs se braquent sur le quintette Ricain alors que derrière se dresse un visuel « Pure American Metal » sur le plus connu des drapeaux à bannières. Dès les premiers accords joués, je sais que le show est dores et déjà foutu : la balance est épouvantable ! on n’entend absolument rien ! c’est de la bouillie audiophonique… je reconnais vaguement et dans le désordre Laid to rest, Now you ‘ve got something to die for, Redneck…et j’en oublie.
J’ai beau aimer ce band mais au bout de trois titres remixés façon Bercy, je décroche pour me concentrer sur ses membres et notamment le batteur dont je suis curieux de voir le jeu, manque de pot il est entouré d’amplis, je ne le vois absolument pas…c’est à peine si je devine le mouvement engendré par le tintement de ses cymbales…bon ce n’est pas grave je vais admirer le hurleur Randy Blythe, s’il veut bien bouger un peu et quitter l’axe de la colonne suspendue d’enceintes qui me dissimule une partie du centre de la scène car là je ne vois pas sa tête… ah si ca y est ! génial : il vient de monter sur une des enceintes centrales, je vois son visage ! Yes ! wouah c’est quand même bon le luxe d’une place à 40 euros : on peut même apercevoir les faciès hurlant des frontmen quand il font moins d’un 1m80 ! et niveau son, je me régale à essayer de deviner le titre de la chanson en regardant les jeux de main gauche et droite des deux gratteux !
Et au bout de 45 minutes de larsen à identifier, c’est déjà fini !
Sniff je commençais à m’amuser, moi ! en tout cas c’est sûr, la prochaine fois je branche mon balladeur MP3 pour avoir l’image et le son et j’essaie de me faire bombarder par des rayons cosmiques pour allonger mon cou et contourner ce putain de pylône, façon Red Richard des Fantastic Four, afin d’être au premières loges !
La lumière se rallume, rituel immuable des manut’ et roadies qui préparent les instruments de torture du groupe suivant. Pendant ce temps je grille cigarillo sur cigarillo (autre signe évident de vieillesse déclarée) en me gaussant de l’annonce rappelant l’interdiction de fumer et en refoulant la nausée que me procure la publicité diffusée sur écran géant pour Mortal Kombat sur les dernières consoles à la mode…mais on est où là ? dans une salle de concert ou une salle de jeux pour ados ???
Les finlandais de children of Bodom me sont totalement inconnus, je m’étais pourtant juré de récupérer leurs albums pour me mettre au parfum mais làs, je n’ai pas tenu cet engagement, c’est donc en parfait néophyte que je découvre ce groupe de black metal plutôt technique me semble t-il si j’en juge par les multiples solos du chanteur-vocaliste -que je vois TRES BIEN d’ailleurs me laissant donc supposer qu’ il doit être de taille moyenne- plutôt bien servi par un son d’une clarté étonnante. La batterie ayant reculé de deux bons mètres, c’est donc le 1er groupe que découvre dans son entièreté ! évidemment cela contribue a me rendre beaucoup plus tolérant et ouvert que pour Lamb Of God, trahi par la technique et le décors… ceci étant, au rythme des compos enchainées assez rapidement, j’ai l’impression de retrouver toujours la même structure dans les chansons ! Ca sonne bien, c’est indéniable ; il y a de bonnes ambiances dans certains titres mais je trouve que ça manque de variété…enfin toujours est-il que je passe quand même un moment agréable, les slams et le po-go’s s’enchainent à un rythme soutenu dans la fosse, l’ambiance me semble assez bon enfant et je secoue poliment la tête jusqu’à la fin du show, qui me paraît très honnête dans l’ensemble, mais je suis très loin de l’hystérie, disons que c’est un éveil musculaire. Les projecteurs se rallument à nouveau, c’est reparti pour le ballet des techniciens…je retombe en apathie.
Je dois être déjà en mode veille puisque les photons cessent de bombarder ma rétine ; il fait noir subitement, je ne vois plus rien, peut être ai-je sombré, la fatigue aidant…ça doit être ça puisque j’entends maintenant le générique de K2000 qui raisonne clairement dans ma tête ! je rêve, c’est évident et c’est en ayant la certitude de voir se former l’image mentale de David Hasseloff que je me rends compte que ce n’est pas mon esprit qui me joue des tours mais que cela à bien lieu sur scène, puisque des racks de diodes clignotantes, sensées rappeler celle de la voiture noire intelligente« Kitt », s’illuminent, accompagnés des premiers riffs de « In Flames » que je ne connais pas non plus. Là, et en dépit de cette intro proprement ridicule, j’avoue que je suis tout de suite captivé par le leader du groupe qui fait montre d’une énergie peu commune sur scène et d’un charisme étonnant. Son registre vocal est assez riche et globalement les compos du groupe sont assez toniques quoi quelque peu conventionnelles mais bon ça raisonne plutôt pas mal dans Bercy et le public ne s’y trompe pas : ça remue beaucoup, même dans les travées où un bourrin ne ce cesse de me brailler « IN FLAAAAAMES » dans la nuque toutes les 30 secondes ; il semble se réjouir du spectacle. Le batteur métronome me fait sourire avec son look très « quartier du Marais », cheveux coupés court et peroxydés mais il faut reconnaître « qu’il est très rapide ! » comme dirait Laspales… au bout de 40 minutes je pense, le chanteur, déjà très loquace entre chaque titre, décide de faire une petite pause photo et demande à un spectateur de lui passer le sien : il décide de shooter la foule puis de tire son auto portrait avant de le restituer au bienheureux prêteur qui n’aura pas perdu sa soirée…
Le spectacle repart et je note que durant un passage un peu plus lent voire mélancolique, les flammes des briquets d’autrefois ont été remplacées par la lumière des portables, autre signe des temps qui changent…
Ca continue encore 30 bonnes minutes et là je commence à regarder fébrilement ma montre à gousset (non je déconne je ne suis pas si vieux !) pour constater qu’il est déjà fort tard, près de 22 heures, ça veut dire que Slayer va pas jouer super longtemps…ça sent pas bon !
La sympathique prestation de « In Flames » finit enfin par se terminer, et on sent déjà frémir la foule qui commence a entamer de vibrantes incantations à la gloire du groupe au pentacle…ça frise l’impatience et j’avoue que commence à trouver le temps long car cela fait déjà plus de trois heure que je suis en résidence surveillée dans mon carré VIP, Viel Imbécile qui a Payé.
J’essaie de tromper mon ennui en regardant le « battle field » se préparer méthodiquement, et je jubile en constatant -premier signe positif de la soirée- que Master Lombardo sera en plein milieu de mon maigre champ de vision car comme d’habitude ils surélèvent sa batterie et je peux profiter de ma vue en trois quart plongée. Je suis intrigué par les grands rideaux noirs qui dissimulent des éléments de décors de chaque coté de la scène qui semblent atteindre plusieurs mètres de hauteur, de quoi peut il s’agir ? d’un dieu décharné comme sur la pochette du dernier album Christ Illusion ? Mystère…en attendant je vois les roadies commencer à manipuler les instruments, quelques accords de gratte pour entendre si ça sonne bien ; d’ailleurs on reconnaît tout de suite le bruit caractéristique de la six cordes de Kerry King, idem pour la mome Hanneman ah j’en vois qui gravit l’estrade pour tester la double grosse caisse et les cymbales BANG ! BANG hit, hat ! ouhhhh mazette le son est ENORME ça va faire mal, très mal…j’en salive d’avance. Les règlages continuent encore quelques minutes mais c’est long.
Trop Long ! il est 22h20 merde, on va pas y passer la nuit !!! ah ca y est enfin le noir, les rideaux tombent de chaque côté de la scène révélant DEUX ENORMES CROIX RENVERSEES composées d’enceintes Marshall, jolie trouvaille ! le public gronde pendant que retentit l’intro de God hates us all… ca y est c’est parti on voit emerger le quatuor, King et Hanneman toujours aussi mastoques, tatoué de frais pour le 1er, tiens Tom Araya arbore une barbichette toute blanche, ce qui lui donne avec ses longs cheveux détachés, de faux airs de Gourou antéchrist façon Charles Manson, c’est sans doute voulu…Lombardo lui fait presque gentillet avec son petit t-shirt simple sans quolifichets et sa casquette à l’envers, mais il faut toujours se méfier de l’eau qui dort…
Les acteurs prennent place comme souvent : Kerry a droite, Jeff à gauche, Tommie au milieu évidemment et Dave au dessus des débats. Ca y est c’est partit. 1er constat le son est prodigieux pour du Slayer ET surtout pour Bercy, on entend par exemple, divinement (Divine Intervention ?) bien la richesse de frappe de Lombardo (et visuellement c’est magnifique de le voir jouer même si j’adorais aussi Paul Bostaph…). Par contre deux bemols de taille, la voix de Tom est trop en retrait, et surtout on entend absolument pas Les solos de Kerry KING !!! C’est bizarre parce que les riffs par contre sont monstrueusement présent… bon je me dis que l’ingénieur du son va vite gommer ça et je me régale sur le dernier solo de Lombardo qui ponctue le final de God « I reject this fucking race, I reject this fucking place».
Tommie prend la parole du style “Thank very much for coming tonight…bla bla bla” et lance assez rapidement le signal des hostilités je veux dire « War Ensemble » qui déchire littéralement les tympans ; je me dis que sur ce classique on va pouvoir vraiment juger si le son est bon. ET il l’est, puisque j’ai le plaisir immense de profiter –avec une limpidité absolue, des manipulations hasardeuses de Jeff sur son manche, qui prend systématiquement un malin plaisir à massacrer ses propres solos. C’est tellement propre et audible dans que cela en devient gênant. Pour Kerry, ca n’a malheureusement pas changé et j’ai comme l’impression que le fait d’être placé à l’extrême gauche à son importance car il me semble discerner dans le brouhaha ambiant, très loin devant moi les gratouillés plus précis du divin chauve. Ce pourrait-il que ces crétins de Bercy aient réinventé la stéréo ??? mais oui c’est bien cela… je suppute que de l’autre côté, il n’ont pas l’insigne privilège d’entendre le grand blond abuser outrageusement du vibrato… Putain, j’ai vraiment pas de chance : si seulement j’étais du côté droit !!!!! Au niveau de la voix, en tout cas c’est nettement mieux, TOM y a mis du sien et l’ingénieur aussi…
Donc je me résous à profiter de l’extraordinaire son au trois quart pour décompter les fausses notes soli de Jeff sur un set list que je baptiserai volontiers de Best Of Master Serie puisque du dernier album nous n’aurons droit qu’au nullissime « Cult » qui prend un peu plus de densité sur scène mais qui reste objectivement pauvre ainsi qu’un autre morceau dont le titre m’échappe (« silent scream » ? ») au moment ou je tape ces lignes au kilomètre.
Tout le reste n’est que « Oldies », que comme tout vieux j’adore, mais qui ne me semble pas la meilleure façon de promouvoir un album. Je savoure quand même dans le désordre Die by the Sword, South of Heaven, Chemical Warfare, Dead Skin Mask, Seasons In the Abyss et bien entendu le classique Angel Of death dont je le rate la moitié des solos pour les raisons évoquées plus haut…Raining Blood, Mandatory Suicide et …. C’est fini ! déjà ??? Ben oui déjà mon coco il est 23h30 lapin faut que tu rentres chez toi, nous on a notre cheque à toucher ! crois-je entendre Tom Araya me beugler à l’oreille alors qu’il nous dit juste « See you in Paris next year, good night ! and good bye !»
Je regarde désespérément ma montre tandis que la lumière se rallume, que les mediators et baguettes volent à foison dans la fosse : wouahhh ils ont joué une 1h15 quand même, quasiment moins que «In Flames » : quelle générosité !
Apparemment ça ne choque que moi puisque tout le monde se lève docilement pour regagner la sortie –au moins on va pouvoir quitter nos cellules numérotées euh pardon nos places numérotées. Je jette un dernier regard à la scène, en me disant qu’au moins j’ai profité d’un Dave Lombardo magistral de bout en bout servi par une production d’exception, et que vois-je s’afficher sur le fond de scène alors que les musicos se sont déjà cassés : un portrait géant du regretté Dimebag Darrel avec l’intro de « Cemetery gates » en fond sonore. Pitoyable !
Fermer le ban.
C’est sûr maintenant je suis trop vieux pour ces conneries !
