Le CR
Après une longue période de vaches maigres depuis le départ de Max Cavalera et quelques albums artistiquement peu intéressants, Sepultura connait un regain de popularité depuis trois ou quatre ans. Si, musicalement, le groupe comptait essentiellement sur le capital bâti grâce aux albums des années 90 pour attirer encore des gens, ils ont fait leur petit bonhomme de chemin droits dans leurs bottes. Même quand, dans les années 2000, ils n'attiraient même plus 400 personnes à Paris, ils continuaient régulièrement à sortir des albums dans l'anonymat et l'indifférence quasi-générale mais en demeurant fidèles à eux-mêmes contre vents et marées. Le groupe n'a pas été achevé par le départ d'Igor Cavalera ni par l'apparition de Cavalera Conspiracy qui, en plus de Soulfly, marchait aussi sur leurs platebandes en utilisant les mêmes ingrédients pour apâter le public nostalgique (à savoir du thrash tribal sans grand intérêt plus les tubes du Sepultura des années 90 joués sur scène). Au contraire, même ! Avec des prestations live solides (bien plus que celles de leurs frères ennemis), quelques concerts qui ont fait sensation avec les Tambours du Bronx et des apparitions à des festivals qui ont fait l'unanimité, les Brésiliens reprennent sérieusement du poil de la bête. D'autant que leurs albums récents sont également de bien meilleure qualité (et en tout état de cause bien supérieurs à ceux de leurs frères ennemis). Et les revoilà donc sur le devant de la scène, en tête d'affiche avec un groupe surestimé mais qui marche (Legion Of The Damned), un vieux groupe culte des 80's qui n'a jamais connu le succès malgré de bons albums (Flotsam and Jetsam) et un nouveau groupe de la vague retro thrash (Mortillery), dans des salles trois fois plus grandes qu'il y a ne serait-ce que cinq ans. C'est ainsi que leur passage à Toulouse leur vaut de remplir le Bikini aux trois quarts (un peu plus de 800 entrées payantes) avec un public de toutes les générations et une proportion féminine importante
Le problème des affiches à quatre groupes, c'est que ça commence tôt d'autant que le Bikini s'aligne sur les horaires du métro toulousain (qui est à quand même un quart d'heure de marche pour les gens qui n'ont pas de véhicule). Avec le début des hostilités à 19h, plus un parking plein à craquer sous une pluie battante, ça me fait louper les deux premiers groupes

Je tombe rapidement sur Achille, venu de Dublin, puis je retrouve Oso, le Fab, MDT et Alex. D'après ouï dire,
MORTILLERY a fait une bonne prestation avec une chanteuse qui assure mais un groupe un peu trop statique, et
FLOTSAM AND JETSAM a fait un set sympa sans plus du fait d'un manque de charisme et de cohésion d'ensemble, malgré une playlist excellente basée essentiellement sur "No place for disgrace", que le groupe vient d'ailleurs de réenregistrer (c'est quand même un plan lose, à mon humble avis

). Le merchandising de Flotsam n'est d'ailleurs pas particulièrement attractif, leurs tee-shirts étant assez... on va dire cheap

Ca n'a quand même pas empêché le Fab d'en prendre un !
On passe aux choses sérieuses d'entrée avec
LEGION OF THE DAMNED ! Je ne suis pas vraiment fan du groupe. Les Néerlandais qui essaient de jouer du thrash allemand mieux que les Allemands sans y parvenir, ça va bien quelques chansons mais bon... En fait j'aimais bien leur deuxième album, "Sons of the Jackal". Sans être un chef d'oeuvre, c'était sympa et efficace. Le problème, c'est que les albums suivants en ont été une copie carbone et j'ai donc laissé tomber le groupe. J'ai écouté le dernier en date, "The ravenous plague", qui contient quand même quelques variations, mais ce n'est pas non plus un monument de créativité artistique. C'est en fait la première fois que je les vois. Ils ne tournent pas énormément en France, alors que de l'autre côté du Rhin ils doivent en être à trois tournées par an. Et en festival, j'ai réussi à ne jamais les voir. Ce n'est pas que je les ai évités à tout prix, mais j'avais toujours mieux à faire que d'aller les voir

Les groupes qui ont une certaine bouteille et que je n'ai encore jamais vus n'étant pas légion (of the damned

), j'avais quand même une certaine envie de voir ce que ça donne en live. En fait c'est le même topo que sur album : c'est bien fait, c'est ultra-carré, il n'y a pas un poil qui dépasse et le groupe se donne bien, mais qu'est-ce que c'est linéaire ! Sodom en comparaison, c'est du prog

On dirait que le batteur est programmé en mode pilotage automatique et qu'il ne joue qu'un seul et unique rythme, avec quelques variations de tempo subtiles. Quand il y a un solo de guitare, ça relève de l'événementiel

Et quand il y a une intro dark, on a l'impression d'entendre une reprise de "Season in the Abyss" de vous savez qui ! Par contre, le groupe sort l'artillerie lourde. Outre le fait qu'ils soient super carrés et qu'ils maîtrisent leur sujet, ils sortent le gros show avec une gigantesque banderole et un super light show. Visuellement, ça le fait

En plus Maurice Swinkels a un certain charisme comme frontman. Et puis il n'y a pas que leurs compos qui tournent en rond : leurs fans dans la fosse aussi

Car qu'on le comprenne ou non, Legion Of The Damned a une bonne fan base, et ils sont une bonne centaine dans la fosse à pogoter et circle piter

Pour moi qui ne suis pas fan, je trouve qu'ils font une bonne prestation même si j'apprécie moyennement la musique, donc je me doute que pour ceux qui aiment vraiment, ça doit tout déchirer
Pour moi, après les avoir vus, je continue de penser que Legion Of the Damned est un groupe surestimé. Il n'y a rien à redire sur la forme, de ce côté-là ils sont très bons. Par contre, ça manque cruellement de fond. Je retournerai les voir quand ils sauront faire des morceaux plus marquants, plus variés et plus personnels... Ou quand, comme ce soir, ils referont la première partie d'un groupe intéressant
Playlist de LEGION OF THE DAMNED :
Mountain Wolves Under a Crescent Moon
Son of the Jackal
Ravenous Abominations
Summon all Hate
Pray and Suffer
Black Baron
Death's Head March
Cult of the Dead
Morbid Death
Legion of the Damned
Avec
SEPULTURA, par contre, on va changer de division. Remontés dans l'élite il y a peu de temps, les Brésiliens montrent de belles dispositions pour s'y maintenir. Qu'on aime ou non leurs albums récents, sur scène, ils savent mettre tout le monde d'accord. C'est seulement la deuxième fois que je les vois, et la première en salle et en configuration normale. La fois précédente, c'était au Wacken 2012 avec les Tambours du Bronx. C'était une tuerie, mais c'était un concert vraiment spécial. Là, c'est la formation ordinaire et ça va être bien aussi. Chose assez surprenante: Derrick Greene a rasé ses dreads et ça fait bizarre. J'ai horreur des dreads en principe, mais lui c'est pas pareil ! Ce géant noir faisait limite peur avant. Maintenant, il a le crâne rasé et affiche en permanence un grand sourire qui lui donne des airs de gros nounours tout gentil

Mais il n'en demeure pas moins un grand frontman (et pas seulement par la taille !) ultra-charismatique. Seul petit bémol : il ne meuble pas entre les morceaux, pendant lesquels il va régulièrement se désaltérer. ça fait un peu trop de temps morts qui donnent au set un côté légèrement hâché. Le batteur est par contre extraordinaire : Eloy Casagrande, 23 ans (il est donc né l'année de la sortie d'"Arise" et a au moins vingt ans de moins que ses coéquipiers !), répéré dans le groupe solo d'André Matos, va mettre tout le monde d'accord par sa technique et sa puissance. Aussi à l'aise sur les morceaux thrash les plus bourrins que sur les passages les plus tribaux, il a dû jouer plus de notes différentes en un seul morceaux que le batteur de Legion Of The Damned durant tout son set

C'est suffisamment rare que je flashe sur le jeu d'un batteur pour être remarqué

Inutile de dire qu'il fait largement oublier Igor Cavalera ! Par contre Paulo Junior porte de moins en moins bien son nom : avec son air fatigué, ses cheveux grisonnants et sa coiffure improbable qui lui donne de faux airs de Jean-Luc Mélenchon, Paulo Senior lui irait mieux

Mais musicalement, il ne faiblit pas. Quant à Andreas Kisser, il a beau avoir à peu près le même âge, lui ne semble absolument pas accuser le coup de l'âge.
Question playlist, c'est coupé en deux. Le groupe commence avec les titres des derniers albums, en particulier "The Mediator Between Head and Hands Must Be the Heart" et "Kairos". On aime ou pas, mais ce thrash tribal se laisse bien écouter. La deuxième partie est réservée aux classiques, en particulier "Chaos AD" dont Sepultura célèbre les 20 ans. C'est l'occasion d'avoir des morceaux rarement joués extraits de cet album comme "The hunt" (reprise de New Model Army que j'aime beaucoup) et "Policia" (reprise également, d'un groupe brésilien que j'ai toujours cru être Ratos de Porão mais qui était en fait Titãs... comme quoi même vingt ans après on en apprend tout les jours !). Et puis bien sûr les inévitables "Refuse / Resist" et "Territory"

Moi là où je jouis, c'est quand ils jouent "Arise", "Ratamahatah" et surtout "Desperate cry"

Le final se fera naturellement sur "Roots bloody roots".
Du début à la fin, les Brésiliens sont accueillis comme des rois. Le premier quart de la salle fait des pogos et circle pits en permanence

L'exécution est impeccable, le son énorme, gros light show également. Sepultura montre bien qu'il faudra encore compter avec eux, et le public le leur rend bien. La persévérance et la sincérité sont donc récompensées pour un groupe qui revient de loin
Playlist de SEPULTURA :
Trauma of War
The Vatican
Kairos
Propaganda
Impending Doom
Manipulation of Tragedy
Convicted in Life
Dusted
The Age of the Atheist
Desperate Cry
The Hunt (New Model Army cover)
Spectrum
Da Lama ao Caos (Nação Zumbi cover)
Inner Self
Territory
Refuse/Resist
Policia
Arise
Ratamahatta
Roots Bloody Roots
Voilà une excellente soirée thrash, et il faut remercier SPM pour avoir organisé cette date au Bikini, qui offre les meilleures conditions dont un groupe puisse rêver

Plus le public qui a suivi, autant par le monde que par l'ambiance dans la salle ! Sepultura sans les Cavalera, c'est toujours bien, et c'est de toute manière largement mieux que les Cavalera sans Sepultura
