Manave a écrit :Pierre a écrit :Pour pouvoir vivre de sa musique sans travailler à côté, il faut vendre à peu près 80000 albums et tourner régulièrement. Les groupes français en sont très très loin, sauf Gojira.
Peux-tu nous en dire un peu plus sur l'origine de ce nombre ???? Comment as-tu fais ton compte ???
C'est une estimation à la louche, mais qui n'est pas loin du compte. Disons qu'en vendant 80,000, y'a moyen de vivre, mais alors faut se serrer quand même sérieusement la ceinture. Si on rapport ça par mois, ça ferait pas un SMIC. Enfin, encore une fois c'est du calcul à la louche.
En gros, pour expliquer. Quand un groupe est signé en production (contrairement à la licence qui marche différemment, mais au final ça revient à peu près au même), le label prend en charge les frais d'enregistrement. Sauf que là, la blague est là, ces frais au final sont à la charge du groupe. Admettons qu'un album coûte 15,000 euros en frais de production. Le label va les payer, mais le groupe doit rembourser la somme. En langage technico-labellique, ça s'appelle une "somme recoupable". "Recoupable" ou "ricoupèbeul" en anglais, c'est le terme honni par exemple chez les musiciens. C'est à dire que le groupe ne touche pas ses royalties sur les ventes d'album tant que les sommes recoupables n'ont pas été remboursées.
Donc si un album a coûté 15,000 euros par exemple, faut déjà vendre pas mal de skeud avant de pouvoir toucher un seul centime !
Ensuite, il y a les tournées. Il faut savoir qu'une tournée en première partie, ça n'est pas rémunéré. Hors, ça coûte de l'argent (tourbus pour les plus aisés ou van, hôtel, roadies, etc., les sommes montent très vite). Sans parler de ce qu'on appelle le "droit d'accès" à la tournée ("buy on" en anglais) : c'est à dire que le groupe de tête d'affiche demande une certaine somme pour que vous ayez le droit de jouer avec eux. Au final donc, une tournée ça coûte très cher. Et suivant les contrats, les tournées sont entre 50% et 100% recoupables (pour un groupe débutant, c'est quand même plus ouvent 100% !!)
Donc les frais de tournée sont à rajouter aux sommes qu'il y a à rembourser sur les royalties avant de toucher un seul centime (Une tournée des clubs de six semaines en première partie d'un groupe assez important, ça coute plusieurs dizaines de milliers d'euros.)
Voilà comment dans mon ancien groupe, je n'ai jamais touché un seul centime sur les ventes de disques. Pour tout vous dire (enfin pas tout, je ne vous donnerai pas de montant exact), quand on a quitté le groupe, la somme encore recoupable (qu'il restait donc à engrenger par les royalties avant de voir la couleur du fric) était une somme à 5 chiffres en livres sterling !
Les moyens de toucher de la thune : les droits d'auteur. Ca c'est direct dans la poche. Encore faut-il être compositeur. Mais il faut savoir qu'il faut avoir un publisher. Qui se prend 50% dans la poche. Mais voilà, ça ça fait de l'argent d'acquis. Au final, entre 50 centimes et 1 euro par CD vendu (à se partager entre les différents compositeurs évidemment).
Il y a le merchandising. Ca c'est super important. Parce que là c'est controlé par le groupe. C'est pour ça que les groupes insistent là-dessus dans les tournées. Y'a juste à payer la fabrication, après c'est presque tout dans la poche (moins les taxes à verser au salle, suivant les salles un certain nombre de produits à donner, ou un pourcentage sur la vente, ou un forfait fixe). Mais bref, ça fait de la thune.
Tout ça pour dire que oui, il faut vendre beaucoup de disques avant de pouvoir prétendre toucher ne serait-ce qu'un euro de royalties sur la vente de disques elle-même (sans compter donc les droits d'auteur qui paient dès le premier CD vendu). Ou alors il faut vendre du merchandising. Mais pour vendre beaucoup de merchandising, faut être connu. Enfin vous voyez c'est le serpent qui se bouffe la queue
Ou alors il faut faire des très gros concerts (donc être connu, on en revient au même). Une tournée des clubs en tete d'affiche, ça rapporte pas, en terme de cachet. Au mieux ça fait l'équilibre. Le revenu vient de la vente de merchandising. Par contre, dès qu'on passe à des tournées de salle de plusieurs milliers de personnes, là ça commence à palper de la thune, et ça peut monter très haut.
Donc voilà, la plupart des groupes que vous écoutez (si on enlève bien sur les Maiden et consorts), soit ils ont un boulot à côté, soit ils arrivent à gagner leurs vies avec juste la musique, mais alors en vivant avec ce qu'on peut considérer comme moins que le SMIC, ou alors ils s'en sortent à peu près convenablement. Mais l'énorme majorité a quand même besoin d'avoir un taf à côté.
Voilà, c'est expliqué en TRES TRES gros, parce que c'est quand même beaucoup plus compliqué en pratique. Mais ça permet d'y voir un peu plus clair (et d'enlever les illusions de ceux qui voulaient devenir riches en faisant du metal

)