[Traduction] W.A.S.P. - The Crimson Idol
Posté : 23 mai 2008, 12:14
Salutations,
Je me suis autorisé d'une traduction quelque peu personnalisée - mais complète, et aussi fidèle que me l'a permis mon niveau d'anglais et d'exigence - et je tiens à vous la présenter. N'hésitez à aucun moment à me donner votre avis avec franchise, et autorisez-vous la critique autant que bon vous semblera. Un concept-album de cette ampleur mérite une traduction des plus dignes.
Je vous propose, pour commencer, la narration initiale. Les paroles de chaque chanson suivront sous peu, après que l'honneur m'aura été fait de goûter à vos multiples critiques.
1) Narration
Je m’appelle Jonathon Aaron Steel, né de père William et de mère Elizabeth Steel. Je suis un "Léo", né sous le signe du lion, et j’ai été élevé dans une famille de classe moyenne que je partageais avec un frère seulement : Michael, que j’aime beaucoup. Il était de cinq ans mon aîné. Le surnom de mon père était "Red" (rouge), ce que je n’ai jamais compris étant donné que ses cheveux étaient d’un blond sableux. Néanmoins, ce surnom lui collait à la peau. A tel point que lorsque mon frère vint au monde, mon père devint "Big Red" (Rouge, le grand) et lui-même acquit le surnom de "Little Red" (Rouge, le petit). J’aurais dû comprendre, dès la première fois en voyant leur complicité, que je n’avais jamais fait partie des projets de mon père. Et au fur et à mesure que je grandissais, la perpétuelle comparaison entre mon frère et moi-même ne laissait plus planer aucun doute, il était le reflet de la perfection aux yeux de mon père. Pour lui, mon frère ne pouvait pas commettre la moindre erreur. Moi je devins l’homme invisible, la brebis galeuse (black sheep) comme on dit, et j’allais vite réaliser que le rouge et le noir ne se mélangent pas. Les coups que je recevais devinrent de plus en plus fréquents, à tel point que je finis par demander à mon père : "Suis-je le fils orphelin dont tu n’as pas besoin ?". Mais assez bizarrement, je vénérais la terre sur laquelle marchait mon père.
Mon frère et moi étions un mélange très original, aussi différents l’un de l’autre que la lumière du jour et les ténèbres. Avec du recul, il est difficile de croire que nous avons les mêmes parents. Je me demandais parfois si on avait le même père, mais j’ai toujours enterré cette idée, ma mère étant bien trop ancrée dans la religion, tout comme mon père, pour seulement oser penser une chose pareille. Mais mon frère, qui a toujours ressenti l’insécurité dans laquelle me baignaient nos parents, faisait de son mieux pour m’encourager. Car j’étais né différent, et il le savait. Il me disait souvent que lorsque je suis né, un ange volait au-dessus de mon lit et qu’il me baptisa à l’aide d’une baguette magique, en disant : "Tu seras l’élu". Je n’avais aucune idée de ce que signifiait "l’élu", mais en grandissant, je commençais à comprendre. Beaucoup de garçons placent leur mère sur un pied d’estal, et la vénèrent comme la vierge Marie, mais avec elle ma relation était différente, et pas en bien. Elle était opiniâtre, sans éducation, quelques fois injuste, arrogante, elle croyait tout ce qu’elle lisait, et quand il s’agissait de la religion, elle était trop zélée pour en dire le moindre mal. Un esprit effrayant, mais elle était belle, si belle que je me demandais souvent, totalement confus, comment une personne de cette beauté pouvait rationaliser la vie.
C’était là une série de caractères que fréquemment dans ma vie j’allais rechercher et, perplexe, aucune des femmes que je rencontrerais par la suite ne les possédait. Dans la douleur de ma jeunesse, la misère induite par ma négligence se manifestait par de nombreuses façons : la dépression – la peur, mon ennemi – la haine, mon amie – la colère, ma chérie – tout cela me consumait. Ces quatre caractéristiques de ma personnalité deviendraient plus tard ma force de vie, et dirigeraient tout ce que je ferais, et tout ce que j’allais devenir. Je l’expliquerai plus tard dans mon histoire que j’ai appelée "mes quatre portes de la mort".
Le miroir. Le plus grand jouet de la vanité humaine. Il deviendrait certaines fois l’autel de mon refuge, et à d’autres instants, mon alter ego et sa magnifique obsession pour l’apparence. Il m’a servi de froide réflexion à la fois de ma détresse et de ma grandeur. Il était l’unique lieu où je pouvais me rendre pour voir en moi, pour y trouver l’amour, au milieu d’une maison exempte de ce sentiment, un lieu où je pouvais être quelqu’un de grand, où je pouvais être ce que, et qui je voulais – l’évasion totale jusqu’à ce que je finisse par découvrir son précieux secret. Le miroir vit, il respire, il parle, il ment, il possède sa propre personnalité. C’est un génie qui réalise tous les vœux auxquels vous pouvez prétendre, dans mon cas du moins – tous, sauf deux.
C’était l’anniversaire de mes quatorze ans, le jour qui bouleversa ma vie pour toujours. Mon frère Michael, la seule personne qui était ma lumière, mon ami, mon héros, fut tué par un chauffard alcoolique dans une collision frontale. Il mourut instantanément. Je n’ai pas même trouvé la force d’assister à ses funérailles. Mon agonie était si démesurée que je ne pouvais pas supporter de me retrouver face à lui, une dernière fois. Mon échec intensifia davantage encore le ressentiment que mes parents avaient pour moi. Mais à partir de cet instant, rien ne me semblait plus guère important, en particulier cet enfer appelé "maison". Un an après sa mort, je parcourais les rues embrumées, à peine conscient des choses et des gens. Je découvris l’alcool, les filles, les drogues, et de manière générale, une vie que je n’aurais jamais crue aussi excitante, effrayante, et incroyablement dangereuse. Et c’est alors que, errant dans une rue municipale de la ville, ivre mort, je titubais devant un petit magasin de musique dont la vitrine présentait l’instrument flamboyant qui allait devenir l’objet de mon nouveau désir. L’instrument de ma passion, de mon obsession, la six-cordes rouge sang. Elle était comme je l’avais imaginée toute ma vie.
Je réalisai vite que c’était pour moi l’unique véritable moyen d’expression. C’était une façon de m’épancher de toutes mes frustrations et de toute ma douleur - mes "quatre portes de la mort" étaient complètement ouvertes, et je me voyais consulter mon miroir pour des conseils de moins en moins fréquemment. Pour cette raison, mes chansons semblaient s’écrire d’elles-mêmes, et je sus que la musique était mon destin, mais j’allais devoir sortir de cette ville à reculons, si j’avais envie de réussir à percer. J’avais 16 ans, je vagabondais, et la seule chose que connaissaient mes parents, c’était "vivre, travailler, mourir". Et si je demeurais là-bas, c’est exactement ce qui allait m’arriver – J’allais mourir. Je m’enfuis donc en direction de la grande ville éclairée, l’excitation du danger au cœur, saisissant finalement ma chance de vivre et d’exposer au monde ma musique en dehors de la persécution que j’avais subie depuis si longtemps. Je parcourus tout mon chemin en stop, avec une valise dans une main et ma guitare dans l’autre, et ici, en bordure de la ville, la magie de cet endroit était incroyablement intense. Ce lieu serait ma nouvelle maison, celui que j’appellerais l’"arène du plaisir". Je vivais et me battais dans l’arène depuis deux ans déjà, essayant de faire un "break" le temps de procéder à un enregistrement, et c’est à ce moment que je rencontrai un éminent "business man" appelé Charlie. Il avait été avocat pendant 25 ans avant de réaliser qu’il pouvait baiser plus de gens dans l’industrie du disque qu’il ne le pourrait jamais dans un tribunal, et il était le président de l’une des plus grandes compagnies d’enregistrement du monde. Pour Charlie, le business de la musique n’était rien de plus qu’un agneau qu’on mène à l’abattage, et l’arme de premier choix était sa compagnie qu’il allait brandir telle une épée tranchante. L’instrument, il le nommerait avec amour "The Chainsaw" (la tronçonneuse). La morgue, disait Charlie, c’est l’endroit où tous les artistes affichent "complet". C’est là-bas que tous les artistes, au final, vendent leurs âmes au commerce, l’endroit où la musique meurt. Et grâce à lui, j’appris tout ce que j’avais besoin de savoir à propos du business de la musique, et même ce que je me serais bien passé de savoir. Il disait qu’il pouvait faire de moi une star, une des plus belles choses que le monde ait jamais vue. La grande époque arrivait, et j’étais en route. Il me présenta à un jeune directeur ambitieux, Alex Rodman, et ensemble nous commençâmes à baiser le monde, et à lui botter le cul.
Peu de temps avant l’enregistrement de mon premier album, alors que j’étais affalé sur les marches de mon appartement, une bohémienne passa devant moi. Elle s’arrêta et me demanda si j’acceptai qu’elle me prédise mon avenir, et comme je n’avais jamais approché ce genre de pratique, je fus d’autant plus heureux de répondre "oui". Elle sortit un jeu de tarot et commença à me parler de mon passé dans lequel elle releva avec beaucoup de détails des événements en rapport avec la souffrance de ma jeunesse, mon frère et mes parents. Elle vit mon présent, ma course éprouvante au succès et à l’accomplissement de mes rêves et mon bonheur récent, mais après environ dix minutes elle s’arrêta. Je voulus connaître mon avenir, je la suppliai de continuer jusqu’à ce qu’elle finisse par parler. Elle me mit face à une vision très inquiétante de mon avenir. Je lui dis que je voulais une richesse phénoménale et une gloire éternelle, et dans les cartes, elle vit un héros déchu. Elle me toisa alors et dit : "Prends garde à ce que tu souhaites – cela pourrait se réaliser, car le visage de la mort porte le masque du roi de la clémence". Je lui demandai si elle était sûre de ce qu’elle venait de voir, et avec un regard vitreux, elle tourna les talons et m’abandonna seul avec les cartes et une hantise qui me suivrait le restant de ma vie.
Le succès me porta avec une aisance déconcertante. Plus je vendais de disque, plus mes possessions devenaient excessives – les amis, l’argent, les femmes, les voitures, les baraques. Un jour, au beau milieu d’un de mes ébats nocturnes, un individu entra avec fulgurance dans la pièce. Il se présenta comme le docteur. Je lui demandai quel genre de docteur. Il sourit et répondit : "rencontrez mon ami, l’oncle Sam". Le miroir, qui fut jadis accroché au mur, mon alter ego, me parlait à présent de la table, et les trois années qui suivirent furent un trou noir. Les drogues devinrent ma nouvelle friandise, l’alcool mon nouveau coca-cola, et le "Docteur Rockter" devint mon nouveau meilleur ami. Je n’entendis plus le miroir me parler jusqu’à cette nuit.
J’étais au sommet de ma carrière et le monde me voyait comme j’en avais toujours rêvé : l’Idole, la grande Idole Cramoisie. A présent j’avais tout ce qui semblait possible, tout, mis à part l’unique chose qui aurait signifié beaucoup plus pour moi. La douleur qui se manifestait dans mon obsession, être accepté par mon père et ma mère à qui je n’avais pas parlé depuis le jour où j’avais quitté ma maison.
Un matin, mon manager Alex entra dans la pièce et coupa court à une de nos partouses nocturnes. La partouse, c’était quand tout le monde venait à la maison, le groupe, le docteur, les chiennes à la fois froides et en chaleur, etc. On regardait un film et on faisait tout ce qu’on y voyait, et même plus encore. Mais il menaça de me laisser tomber si je n’y mettais pas fin immédiatement. Ce n’était pas qu’il se souciait de moi en tant que personne, la seule chose qui l’intéressait était mon talent et mon aptitude à servir sa carrière de Moghol du showbiz. Mais c’est alors que je me rendis compte à quel point les choses avaient foutu le camp. Je m’assis donc, seul dans mon palais de souffrance. J’étais paralysé par l’alcool et la drogue, mais aussi enivré par ma propre gloire tant et si bien que je trouvai à peine assez de force pour décrocher le téléphone et composer le numéro. Mon esprit se mit à bouillonner en pensant à ce qui arriverait, la peur me submergea et je commençais déjà à raccrocher le combiné lorsqu’une voix retentit à l’autre bout du fil, faisant parcourir un frisson de fraîcheur dans mon corps, un frisson que je n’avais jamais ressenti. C’était ma mère. Ce ne m’était pas facile de m’exprimer, tant mon cœur martyrisait ma poitrine, mais quand je réussis, je fis du mieux que je pus. Elle était très froide. Mais je comprenais le choc que pouvait lui causer cet appel, après toutes ces années accablantes, et j’espérais que tout ce temps qui avait passé aurait cicatrisé les plaies si profondes laissées à mes parents et moi, mais... Je voulais désespérément qu’ils m’approuvent, qu’ils m’acceptent – c’était tout ce que j’avais toujours voulu. J’espérais que mon succès leur prouverait finalement ma dignité, et qu’ils accueilleraient le fils prodigue à la maison. Tout ce que je voulais, c’était qu’ils fussent fiers de moi, mais moins de cinquante mots furent prononcé. Les quatre derniers furent : "Nous n’avons pas de fils".
Certaines blessures ne guérissent jamais, la mienne m’avait marqué à vie. Une étoile filante tomba du ciel cette nuit, et sa descente laissa un jet lumineux derrière elle – un jet d’autodestruction avant de s’éteindre à jamais. Et cette nuit, le bouquet final était arrivé : "Prends garde à ce que tu souhaites – cela pourrait se réaliser.". Vive, vive le roi de la clémence.
Je me suis autorisé d'une traduction quelque peu personnalisée - mais complète, et aussi fidèle que me l'a permis mon niveau d'anglais et d'exigence - et je tiens à vous la présenter. N'hésitez à aucun moment à me donner votre avis avec franchise, et autorisez-vous la critique autant que bon vous semblera. Un concept-album de cette ampleur mérite une traduction des plus dignes.
Je vous propose, pour commencer, la narration initiale. Les paroles de chaque chanson suivront sous peu, après que l'honneur m'aura été fait de goûter à vos multiples critiques.
1) Narration
Je m’appelle Jonathon Aaron Steel, né de père William et de mère Elizabeth Steel. Je suis un "Léo", né sous le signe du lion, et j’ai été élevé dans une famille de classe moyenne que je partageais avec un frère seulement : Michael, que j’aime beaucoup. Il était de cinq ans mon aîné. Le surnom de mon père était "Red" (rouge), ce que je n’ai jamais compris étant donné que ses cheveux étaient d’un blond sableux. Néanmoins, ce surnom lui collait à la peau. A tel point que lorsque mon frère vint au monde, mon père devint "Big Red" (Rouge, le grand) et lui-même acquit le surnom de "Little Red" (Rouge, le petit). J’aurais dû comprendre, dès la première fois en voyant leur complicité, que je n’avais jamais fait partie des projets de mon père. Et au fur et à mesure que je grandissais, la perpétuelle comparaison entre mon frère et moi-même ne laissait plus planer aucun doute, il était le reflet de la perfection aux yeux de mon père. Pour lui, mon frère ne pouvait pas commettre la moindre erreur. Moi je devins l’homme invisible, la brebis galeuse (black sheep) comme on dit, et j’allais vite réaliser que le rouge et le noir ne se mélangent pas. Les coups que je recevais devinrent de plus en plus fréquents, à tel point que je finis par demander à mon père : "Suis-je le fils orphelin dont tu n’as pas besoin ?". Mais assez bizarrement, je vénérais la terre sur laquelle marchait mon père.
Mon frère et moi étions un mélange très original, aussi différents l’un de l’autre que la lumière du jour et les ténèbres. Avec du recul, il est difficile de croire que nous avons les mêmes parents. Je me demandais parfois si on avait le même père, mais j’ai toujours enterré cette idée, ma mère étant bien trop ancrée dans la religion, tout comme mon père, pour seulement oser penser une chose pareille. Mais mon frère, qui a toujours ressenti l’insécurité dans laquelle me baignaient nos parents, faisait de son mieux pour m’encourager. Car j’étais né différent, et il le savait. Il me disait souvent que lorsque je suis né, un ange volait au-dessus de mon lit et qu’il me baptisa à l’aide d’une baguette magique, en disant : "Tu seras l’élu". Je n’avais aucune idée de ce que signifiait "l’élu", mais en grandissant, je commençais à comprendre. Beaucoup de garçons placent leur mère sur un pied d’estal, et la vénèrent comme la vierge Marie, mais avec elle ma relation était différente, et pas en bien. Elle était opiniâtre, sans éducation, quelques fois injuste, arrogante, elle croyait tout ce qu’elle lisait, et quand il s’agissait de la religion, elle était trop zélée pour en dire le moindre mal. Un esprit effrayant, mais elle était belle, si belle que je me demandais souvent, totalement confus, comment une personne de cette beauté pouvait rationaliser la vie.
C’était là une série de caractères que fréquemment dans ma vie j’allais rechercher et, perplexe, aucune des femmes que je rencontrerais par la suite ne les possédait. Dans la douleur de ma jeunesse, la misère induite par ma négligence se manifestait par de nombreuses façons : la dépression – la peur, mon ennemi – la haine, mon amie – la colère, ma chérie – tout cela me consumait. Ces quatre caractéristiques de ma personnalité deviendraient plus tard ma force de vie, et dirigeraient tout ce que je ferais, et tout ce que j’allais devenir. Je l’expliquerai plus tard dans mon histoire que j’ai appelée "mes quatre portes de la mort".
Le miroir. Le plus grand jouet de la vanité humaine. Il deviendrait certaines fois l’autel de mon refuge, et à d’autres instants, mon alter ego et sa magnifique obsession pour l’apparence. Il m’a servi de froide réflexion à la fois de ma détresse et de ma grandeur. Il était l’unique lieu où je pouvais me rendre pour voir en moi, pour y trouver l’amour, au milieu d’une maison exempte de ce sentiment, un lieu où je pouvais être quelqu’un de grand, où je pouvais être ce que, et qui je voulais – l’évasion totale jusqu’à ce que je finisse par découvrir son précieux secret. Le miroir vit, il respire, il parle, il ment, il possède sa propre personnalité. C’est un génie qui réalise tous les vœux auxquels vous pouvez prétendre, dans mon cas du moins – tous, sauf deux.
C’était l’anniversaire de mes quatorze ans, le jour qui bouleversa ma vie pour toujours. Mon frère Michael, la seule personne qui était ma lumière, mon ami, mon héros, fut tué par un chauffard alcoolique dans une collision frontale. Il mourut instantanément. Je n’ai pas même trouvé la force d’assister à ses funérailles. Mon agonie était si démesurée que je ne pouvais pas supporter de me retrouver face à lui, une dernière fois. Mon échec intensifia davantage encore le ressentiment que mes parents avaient pour moi. Mais à partir de cet instant, rien ne me semblait plus guère important, en particulier cet enfer appelé "maison". Un an après sa mort, je parcourais les rues embrumées, à peine conscient des choses et des gens. Je découvris l’alcool, les filles, les drogues, et de manière générale, une vie que je n’aurais jamais crue aussi excitante, effrayante, et incroyablement dangereuse. Et c’est alors que, errant dans une rue municipale de la ville, ivre mort, je titubais devant un petit magasin de musique dont la vitrine présentait l’instrument flamboyant qui allait devenir l’objet de mon nouveau désir. L’instrument de ma passion, de mon obsession, la six-cordes rouge sang. Elle était comme je l’avais imaginée toute ma vie.
Je réalisai vite que c’était pour moi l’unique véritable moyen d’expression. C’était une façon de m’épancher de toutes mes frustrations et de toute ma douleur - mes "quatre portes de la mort" étaient complètement ouvertes, et je me voyais consulter mon miroir pour des conseils de moins en moins fréquemment. Pour cette raison, mes chansons semblaient s’écrire d’elles-mêmes, et je sus que la musique était mon destin, mais j’allais devoir sortir de cette ville à reculons, si j’avais envie de réussir à percer. J’avais 16 ans, je vagabondais, et la seule chose que connaissaient mes parents, c’était "vivre, travailler, mourir". Et si je demeurais là-bas, c’est exactement ce qui allait m’arriver – J’allais mourir. Je m’enfuis donc en direction de la grande ville éclairée, l’excitation du danger au cœur, saisissant finalement ma chance de vivre et d’exposer au monde ma musique en dehors de la persécution que j’avais subie depuis si longtemps. Je parcourus tout mon chemin en stop, avec une valise dans une main et ma guitare dans l’autre, et ici, en bordure de la ville, la magie de cet endroit était incroyablement intense. Ce lieu serait ma nouvelle maison, celui que j’appellerais l’"arène du plaisir". Je vivais et me battais dans l’arène depuis deux ans déjà, essayant de faire un "break" le temps de procéder à un enregistrement, et c’est à ce moment que je rencontrai un éminent "business man" appelé Charlie. Il avait été avocat pendant 25 ans avant de réaliser qu’il pouvait baiser plus de gens dans l’industrie du disque qu’il ne le pourrait jamais dans un tribunal, et il était le président de l’une des plus grandes compagnies d’enregistrement du monde. Pour Charlie, le business de la musique n’était rien de plus qu’un agneau qu’on mène à l’abattage, et l’arme de premier choix était sa compagnie qu’il allait brandir telle une épée tranchante. L’instrument, il le nommerait avec amour "The Chainsaw" (la tronçonneuse). La morgue, disait Charlie, c’est l’endroit où tous les artistes affichent "complet". C’est là-bas que tous les artistes, au final, vendent leurs âmes au commerce, l’endroit où la musique meurt. Et grâce à lui, j’appris tout ce que j’avais besoin de savoir à propos du business de la musique, et même ce que je me serais bien passé de savoir. Il disait qu’il pouvait faire de moi une star, une des plus belles choses que le monde ait jamais vue. La grande époque arrivait, et j’étais en route. Il me présenta à un jeune directeur ambitieux, Alex Rodman, et ensemble nous commençâmes à baiser le monde, et à lui botter le cul.
Peu de temps avant l’enregistrement de mon premier album, alors que j’étais affalé sur les marches de mon appartement, une bohémienne passa devant moi. Elle s’arrêta et me demanda si j’acceptai qu’elle me prédise mon avenir, et comme je n’avais jamais approché ce genre de pratique, je fus d’autant plus heureux de répondre "oui". Elle sortit un jeu de tarot et commença à me parler de mon passé dans lequel elle releva avec beaucoup de détails des événements en rapport avec la souffrance de ma jeunesse, mon frère et mes parents. Elle vit mon présent, ma course éprouvante au succès et à l’accomplissement de mes rêves et mon bonheur récent, mais après environ dix minutes elle s’arrêta. Je voulus connaître mon avenir, je la suppliai de continuer jusqu’à ce qu’elle finisse par parler. Elle me mit face à une vision très inquiétante de mon avenir. Je lui dis que je voulais une richesse phénoménale et une gloire éternelle, et dans les cartes, elle vit un héros déchu. Elle me toisa alors et dit : "Prends garde à ce que tu souhaites – cela pourrait se réaliser, car le visage de la mort porte le masque du roi de la clémence". Je lui demandai si elle était sûre de ce qu’elle venait de voir, et avec un regard vitreux, elle tourna les talons et m’abandonna seul avec les cartes et une hantise qui me suivrait le restant de ma vie.
Le succès me porta avec une aisance déconcertante. Plus je vendais de disque, plus mes possessions devenaient excessives – les amis, l’argent, les femmes, les voitures, les baraques. Un jour, au beau milieu d’un de mes ébats nocturnes, un individu entra avec fulgurance dans la pièce. Il se présenta comme le docteur. Je lui demandai quel genre de docteur. Il sourit et répondit : "rencontrez mon ami, l’oncle Sam". Le miroir, qui fut jadis accroché au mur, mon alter ego, me parlait à présent de la table, et les trois années qui suivirent furent un trou noir. Les drogues devinrent ma nouvelle friandise, l’alcool mon nouveau coca-cola, et le "Docteur Rockter" devint mon nouveau meilleur ami. Je n’entendis plus le miroir me parler jusqu’à cette nuit.
J’étais au sommet de ma carrière et le monde me voyait comme j’en avais toujours rêvé : l’Idole, la grande Idole Cramoisie. A présent j’avais tout ce qui semblait possible, tout, mis à part l’unique chose qui aurait signifié beaucoup plus pour moi. La douleur qui se manifestait dans mon obsession, être accepté par mon père et ma mère à qui je n’avais pas parlé depuis le jour où j’avais quitté ma maison.
Un matin, mon manager Alex entra dans la pièce et coupa court à une de nos partouses nocturnes. La partouse, c’était quand tout le monde venait à la maison, le groupe, le docteur, les chiennes à la fois froides et en chaleur, etc. On regardait un film et on faisait tout ce qu’on y voyait, et même plus encore. Mais il menaça de me laisser tomber si je n’y mettais pas fin immédiatement. Ce n’était pas qu’il se souciait de moi en tant que personne, la seule chose qui l’intéressait était mon talent et mon aptitude à servir sa carrière de Moghol du showbiz. Mais c’est alors que je me rendis compte à quel point les choses avaient foutu le camp. Je m’assis donc, seul dans mon palais de souffrance. J’étais paralysé par l’alcool et la drogue, mais aussi enivré par ma propre gloire tant et si bien que je trouvai à peine assez de force pour décrocher le téléphone et composer le numéro. Mon esprit se mit à bouillonner en pensant à ce qui arriverait, la peur me submergea et je commençais déjà à raccrocher le combiné lorsqu’une voix retentit à l’autre bout du fil, faisant parcourir un frisson de fraîcheur dans mon corps, un frisson que je n’avais jamais ressenti. C’était ma mère. Ce ne m’était pas facile de m’exprimer, tant mon cœur martyrisait ma poitrine, mais quand je réussis, je fis du mieux que je pus. Elle était très froide. Mais je comprenais le choc que pouvait lui causer cet appel, après toutes ces années accablantes, et j’espérais que tout ce temps qui avait passé aurait cicatrisé les plaies si profondes laissées à mes parents et moi, mais... Je voulais désespérément qu’ils m’approuvent, qu’ils m’acceptent – c’était tout ce que j’avais toujours voulu. J’espérais que mon succès leur prouverait finalement ma dignité, et qu’ils accueilleraient le fils prodigue à la maison. Tout ce que je voulais, c’était qu’ils fussent fiers de moi, mais moins de cinquante mots furent prononcé. Les quatre derniers furent : "Nous n’avons pas de fils".
Certaines blessures ne guérissent jamais, la mienne m’avait marqué à vie. Une étoile filante tomba du ciel cette nuit, et sa descente laissa un jet lumineux derrière elle – un jet d’autodestruction avant de s’éteindre à jamais. Et cette nuit, le bouquet final était arrivé : "Prends garde à ce que tu souhaites – cela pourrait se réaliser.". Vive, vive le roi de la clémence.