Je n'avais pas vu Manigance depuis 2004, c'est à dire la belle époque pendant laquelle ils bénéficiaient d'une certaine couverture médiatique. Il faut dire qu'ils se font fait discrets en France ces dernières années, malgré la sortie plus ou moins régulière d'albums. Il s'agit en outre du premier concert avec leur nouvelle chanteuse Carine Pinto, remplaçant au pied levé l'iconique Dider Delseaux pour cette tournée.
Je ne vais pas faire l'hypocrite, j'avais quelques craintes sur le fait de les revoir aujourd'hui, et elles se sont avérées fondées. Non pas que le groupe n'assure plus, au contraire, mais je n'adhère pas vraiment à certains choix de leur part. Déjà, pas de claviériste sur scène, tout est samplé. OK, les temps sont durs et je comprends l'argument financier, mais faire des économies ça finit par se ressentir d'une manière ou d'une autre. Vous allez me dire les claviers on s'en cogne c'est LEMETAL, sauf qu'ils ne sont pas si négligeables que ça dans Manigance, et sinon la prochaine étape ça sera de sampler la basse, la batterie, etc... Dans le même ordre d'idées, les chœurs et les rares vocaux "extrêmes" sont eux aussi tous samplés, ce qui est courant désormais, y compris chez des groupes connus. Cela me gêne un peu moins, bien sûr ça a des avantages sur les refrains et le groupe rajoute quand même des chœurs "live", mais ça contribue à cette impression perturbante de "groupe partiel" qui se présente devant un public.
Avec toutes ces bandes l'obligation de la jouer carré est de mise, ce que le groupe est assurément. Avec leur niveau le contraire serait étonnant, et il n'y a rien à dire sur le comportement des présents qui ont encore du jus et une certaine envie.
Enfin, concernant le choix de Carine Pinto comme nouvelle frontwoman, très volontaire et visiblement enchantée d'avoir rejoint le groupe : malheureusement elle n'est pour l'instant pas à la hauteur de Didier Delseaux, que ce soit sur le plan émotionnel ou technique. Sans être désagréable, son timbre plus classique et légèrement plus haut perché m’apparaît moins chaleureux dans l'ensemble, et je n'aime pas sa façon de finir ses longues notes. D'une manière générale ça passe, mais je dirais que ça manque d'élégance, de singularité et même un peu de performance (moins important). Quelques erreurs de placement et de justesse aussi, acceptables pour un premier concert avec le stress inhérent. Certains de ces points peuvent et vont sans aucun doute s'améliorer avec le temps, je le lui souhaite, mais pour le timbre il y a peu de chances de me convaincre je crains...
Pourtant objectivement c'était quand même un assez bon moment, peut-être parce que Manigance rimera toujours avec bienveillance dans mon esprit, mais voilà, quand on a vu les Palois en pleine ascension c'est un peu difficile d'avoir l'impression de retrouver un groupe diminué. Contraste et déception renforcés par le fait que j'ai pourtant bien aimé le dernier album Machine Nation, de loin le plus représenté ce soir ce qui n'a rien de choquant pour une première partie. Je ne m'attendais de toute façon pas à ce qu'ils se concentrent sur les 2 premiers.
Restent donc les bonnes chansons, et un certain statut historique de figure du metal mélodique français. Pour le reste, c'est une autre histoire... qui commence.
3/5
Première pour moi avec Myrath, pourtant habitués des premières parties ces dernières années. Et première véritable tournée en tête d'affiche? Je ne sais pas, en tout cas dès les premières notes de la nouvelle chanson qui introduit le set le groupe est porté par un public plus qu'enthousiaste! Je crois que je n'avais jamais vu un Trabendo aussi chauffé à blanc, mes précédentes expériences en ces lieux étant plutôt pépères.
Myrath sont rodés comme jamais et le son très correct, certes les arrangements à cordes sont évidemment samplés mais contrairement à Manigance le claviériste est bien en chair et en os. Ce dernier grand comme le ribat de Monastir m'a d'ailleurs étonné par sa participation vocale constante, ce qui m'a permis après concert de me rendre compte que c'était lui le vocaliste d'origine sur leur tout premier album autoproduit!
Le groupe tunisien cache bien quelques secrets, mais sur scène le maître mot est "partage". De son humeur, de sa générosité, et de son professionnalisme. Bon, sur ce dernier point, leur frontman Zaher Zorgati un peu éméché au rhum était à la limite de passer du côté non pro, mais sans jamais dépasser cette frontière heureusement. Au moins il se désinhibe en blaguant abondamment avec le public, en chambrant Morgan Marlet ("le meilleur batteur français du groupe") qui le taquinerait sur sa maîtrise du français pourtant quasi-impeccable, et en exprimant une authenticité voire une forme de naïveté. Même leur mentor/producteur Kevin Codfert (claviériste d'Adagio) en tant que membre officieux est invité sur scène pour adresser quelques mots et recevoir des applaudissements nourris. "Merci papa!" lui lance Zaher. Ce dernier chaud comme la braise descend à 2 reprises dans la fosse pour chanter tout en se prêtant au jeu des selfies et autres, histoire de renforcer une convivialité toute méditerranéenne. Quelques pogos et slams se font même remarquer dans l'assistance, avec un gars qui se hisse sur scène (pas trop longtemps, d'ailleurs ça me gonfle vite...). Vocalement c'est d'un très bon niveau, en tant que pointilleux de service je regrette juste qu'il simplifie une poignée de passages en timbrant moins, l'effet rhum?
La setlist se compose pour moitié moitié en gros entre les 2 derniers albums, du tout bon dans ce set rondement mené à coup de metal occidento-berbéro-oriental, et donc pas grand chose à chipoter même si j'aurais bien aimé entendre "The Needle" une des chansons les plus heavy du dernier opus. Ou "Forever and a Day" de l'album
Desert Call, partiellement en arabe. Les progueux regretteront peut-être que seule "Madness" représente ledit album, mais d'un point de vue scénique il me paraît logique qu'ils s'appuient sur leurs chansons plus mélodiques et/ou concises. Les 2 nouveaux titres très bien accueillis continuent dans cette voie et augurent a priori du meilleur, en tout cas il n'y aura sans doute pas de retour au prog metal à la Symphony X. Sortie de
Born to Believe ou Survive ou un truc du genre (faites vos jeux) quelque part en mai d'après Zaher qui n'avait pas l'air très au point sur le sujet.
Petit coup de gueule quand même non pas contre le groupe, mais contre la profusion de smartphones levés à la moindre apparition de la danseuse orientale dans un élan de beaufitude testostéronée, c'est d'un pathétique... Autant je peux comprendre l'envie d'immortaliser sa prestation durant l'intro générale du meilleur effet, autant recommencer ensuite à chaque vision de peau féminine est aussi irritant que ridicule. Notez bien que les smartphones disparaissent dès qu'elle sort de la scène, à croire que certains préféreraient être au peep show plutôt qu'à un concert de metal. Ils se sont trompés de quartier.
Heureusement Myrath n'ont pas besoin d'artifices pour savoir se mettre en valeur, la complicité affichée entre eux et avec leurs fans se suffit à elle-même. Un tel plaisir de partager leur kaléidoscope culturel rend difficile toute résistance à cette offensive tunisienne, voire amazigh et même un brin française.
4,5/5