En fouillant et en rangeant mon bordel ce week-end j'ai retrouvé un bout de papier rectangulaire, avec le nom HÄLLAS imprimé dessus. Et même une date et un horaire, comme si c'était une activité planifiée. Hmm, je suis sûr d'avoir vu cela il y a quelques années déjà ou dans une vie antérieure, mais impossible de mettre un nom dessus, la mémoire commence à me faire défaut.
Comme une adresse est mentionnée et que je n'avais rien prévu en cette soirée aux douces températures, je vais aller investiguer par moi-même à l'endroit indiqué.
J'arrive devant un bâtiment tout bleu duquel s'échappe en fond de la musique de sauvages, et devant lequel est positionné un grand bus décoré. C'est quoi tous ces chevelus hirsutes dehors, un salon de coiffure ou un meeting hippie?
Je me poste à l'entrée, où un type à l'air patibulaire demande à voir mon encart cartonné, et me scanne le machin tel un caissier pour m'intimer d'entrer. Oups, voilà que je me retrouve à l'intérieur où déambulent encore plus de chevelus, des rockers, quelques hipsters aussi, et probablement des vieux cons en puissance comme moi. Un bar trône au fond de cette étuve, la bière coule à flots.
Juste en face, une espèce d'estrade à peine surélevée et présentant tous les instruments nécessaires pour monter un groupe, ça me rappelle vaguement quelque chose. Dans le coin opposé, on peut même acheter des albums et des fringues à l'effigie du fameux HÄLLAS écrit sur mon ticket, pourtant j'ai l'impression qu'il va se passer autre chose.
20h30, toutes les lumières s'éteignent d'un coup, putain c'est quoi ce traquenard? Une soirée mousse échangiste?
Nan, passent devant moi 4 chevelus hauts comme des lampadaires ; ils montent sur les planches et s'installent devant un drapeau affichant HOT BREATH.
Voilà qu'ils se présentent venant de Göteborg et se mettent à jouer devant des personnes massées en face, avec une sono qui crache en temps réel le produit de leurs instruments triturés, punaise quel concept de dingue! J'entends plein pot du hard 'n roll tonique avec l'énergie du garage rock US des 60's et l'adrénaline du hard rock britannique 70's, mené par une guitariste chanteuse à la voix incisive. Très efficace, organique et communicatif, à défaut d'être original. S'il faut sortir les comparaisons somme toute prévisibles laissez moi citer MC5, UFO et The Hellacopters pour leurs compatriotes. Le bassiste géant a envie de faire de l'humour pour mettre l'ambiance dans cet échange fort timide au début. L'assemblée hirsute finit par être conquise devant le caractère survolté de la prestation, que je trouve fort sympathique en effet. Et puis les vikings gagnent un point bonus grâce aux flamands roses sur les amplis.
Ça y est, les nordiques quittent l'estrade et les lumières se rallument. Mais les hurluberlus locaux restent là à discuter, pour quoi faire? En écoutant malicieusement les conversations je comprends que d'autres types vont leur succéder sur l'estrade. OK je reste en embuscade.
De nouveau les lumières sont éteintes, et des gus grimés en noir jusque dans les orbites débarquent sur les planches, juste devant le nom HÄLLAS cette fois. C'était donc eux sur mon mystérieux bout de carton.
Ils appliquent le même process que pour le précédent tapage nocturne, et là encore on distingue bien chaque instrument. Le chanteur bassiste mouille la chemise ou plutôt sa cape de Dracula, accoutrement aussi laconique que ses intéractions avec les buveurs de bière. Bah je sais pas ce qu'il est censé raconter de toute façon, et quand il chante de sa profonde voix grave il a un accent à couper à la tronçonneuse.
Leur registre est un pur melting pot du hard rock, heavy blues, space rock et progressif des 70's, on y repère aussi bien Thin Lizzy, Wishbone Ash, Uriah Heep, BOC que des touches tripantes de Hawkwind, Yes voire Camel. Ouaip, je crois que je me suis fourré dans un espèce de repère hallucinogène.
Si la plupart des chansons assument leur proto-heavy metal aventureux chargé d'harmonies et divers types de claviers, une poignée flirte avec l'AOR directement accessible, ou font des détours par quelques passages syncopés sous champignons magiques. Le spectre s'avère donc assez large même si toujours très spatial et 70's dans l'esprit.
Franchement je dois dire qu'ils m'épatent par la cohérence d'ensemble et le soin apporté aux mélodies. Ah ben eux aussi sont suédois, comme tant de rétro-groupes. Peu d'intéractions outre quelques refrains mais aussi très peu de temps morts, le space trip est bien balancé de bout en bout et prend fin par des salutations presque timides mais visiblement sincères.
Il est 23 heures, ce coup-ci l'alliance des chevelus, des tatoués et des poilus sort du bâtiment, repue de décibels. Tel un mouton je suis le mouvement, toujours interloqué par l'expérience à laquelle je viens d'assister. Puis au moment de mettre le pied dehors un flash traverse subitement ma cervelle embrumée, un déclic même, ça y est je me souviens : ça s'appelle un
concert!
Mais oui, punaise cela remonte à plusieurs années en arrière, une éternité. Je crois que j'en ai vu quelques-uns fut un temps, et même que j'avais déjà croisé ces rétro-rockers au Hammer of Doom en 2018 ; ce n'était pas aussi abouti à l'époque.
Je les remercie pour leur cérémonie du Malin qui m'a fait sortir de ma torpeur amnésique.
Et si c'était ça un concert, j'y retournerai tiens.
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