je viens de soutenir ce matin-même mon mémoire de Master recherche spécialité civilisations britanniques intitulé "Symboles, thématiques et esthétiques celtes dans la musique metal", travail qui a reçu la note de 15/20 (je n'en reviens pas moi-même).
Si certains sont intéressés par ce travail, je serais heureux de le leur faire parvenir par mail au format pdf (153 pages).
Je vous poste ici l'introduction :
Que ce soit dans le camp de ses détracteurs (principalement le clergé et les hautes sphères intellectuelles) ou de ses admirateurs, la musique metal ne provoque que rarement l’indifférence. La victoire du groupe Finlandais Lordi lors du Concours Eurovision de la chanson en 2006 ne fait que confirmer cette affirmation, provoquant joie et allégresse dans le camp des 'metalleux' , colère et indignation chez ses détracteurs, le chef de l’Eglise orthodoxe grecque réagissant à la victoire de Lordi en ces termes :
« Qui pouvait s'attendre à ce que notre pays et toute l'Europe accorderaient le premier prix à [un groupe] qui s'est présenté comme des monstres, comme des Satans ? Est-ce qu'on peut qualifier cela d'esthétique ? Est-ce que c'est de l'art ? »
Né à la fin des années 1960 d’une fusion entre blues rock et musique psychédélique , le metal est une musique fondée sur la saturation des guitares électriques et des sons, et représente en ce sens une radicalisation de la musique rock, tant sur le plan musical que sur celui des pratiques sociales qui accompagnent l’écoute de la musique ou sa diffusion en concert . Souvent qualifié de rebelle, d’anti-conformiste et faisant l’objet d’incessantes controverses, le metal et ses adeptes entretiennent des rapports souvent belliqueux avec les institutions sociales et religieuses (Eglise catholique, associations parentales, etc.). Comment les chercheurs analysent-ils ce style musical? Ces derniers ne semblent que peu intéressés par le metal. En effet, « alors que les mouvements punk, rap et techno sont étudiés, la musique metal constitue étrangement un champ d’études vierge alors qu’elle est plus ancienne que ceux-ci » .
Les études en langue française sur la musique metal sont en effet peu nombreuses. Ces dernières consistent pour la plupart en des ouvrages généralistes ayant pour but de faire découvrir le metal aux personnes lui étant étrangères et de tenter de briser le fort à priori négatif dont souffre ce style musical, même si quelques ouvrages plus spécialisés sont apparus depuis le début des années 2000. L’écriture d’une nouvelle étude sur la musique metal pourrait donc être perçue comme une volonté de tenir un discours laudatif et apologique envers ce style musical, étant écrit par un amateur de cette musique. Or une écoute attentive du metal est, comme pour bon nombre de styles musicaux, le seul moyen de comprendre et d’étudier objectivement ce style. Il semble difficile de prétendre analyser un style musical lorsque celui-ci ne provoque chez son analyste qu’indifférence ou répulsion.
Le but du présent travail sera d’étudier une tendance précise de la musique metal : l’utilisation de symboles, de thématiques, d’instruments, d’une imagerie et même d’une spiritualité que nous associons (parfois à tort, nous le verrons) à la civilisation des Celtes, composée de peuples indo-Européens s’étant étendus sur le continent Européen dans le courant du premier millénaire avant Jésus-Christ. Comment cette tendance se manifeste-t-elle ? Son implication est-elle uniquement artistique ou possède-t-elle également une dimension idéologique ? Véhicule-t-elle des valeurs et des principes spécifiques, qui la rendent particulièrement attirante aux yeux des artistes metal, et surtout, lesquelles ?
Si ce sont les peuples et les civilisations celtes qui seront l’objet de cette étude, il est bon de noter néanmoins que d’autres civilisations, comme celles des peuples Egyptiens et Nordiques (Vikings), sont également très usitées par les musiciens metal. Ceci est particulièrement vrai pour la civilisation et la mythologie nordiques, dont « les symboles et les références sont omniprésents dans [le metal] » . Pour des raisons de connaissances scientifiques, ces tendances ne seront pas étudiées ici, mais mériteraient également d’être l’objet d’une analyse.
Cette étude reposera principalement sur deux types de sources. Tout d’abord les œuvres musicales elles-mêmes et dans leur ensemble (couvertures d’albums, livrets, paroles de morceaux…) constitueront le fondement de notre analyse, qui sera étayée par de nombreuses interviews, extraites de magazines spécialisés ou réalisées spécifiquement pour ce travail, apportant souvent des clarifications bien nécessaires sur la démarche des artistes metal utilisant ce que nous nommerons le celtisme dans leur musique. Une étude croisée de nombreux ouvrages scientifiques sur les peuples celtes, les religions païennes et néo-païennes (qui constitueront une partie importante de ce travail) ainsi que les quelques ouvrages consacrés à la musique metal permettra d’étayer les thèses qui seront formulées dans cette analyse. Cette ‘confrontation’ d’écrits d’artistes, musicologues, sociologues et historiens nous permettra ainsi de mettre en avant une tendance unique (car ne se retrouvant pratiquement que dans ce style de musique - musiques traditionnelles exceptées - ), complexe et méconnue, et de tenter d’en comprendre les rouages ainsi que les motivations.
Six chapitres seront nécessaires afin d’apporter des réponses aux questions posées plus haut. Nous nous efforcerons, en premier lieu, de définir précisément nos trois objets d’étude (musique metal, civilisations celtes et (néo-) paganismes), dont la combinaison semble pour le moins inattendue mais résulte néanmoins d’une logique rationnelle.
Un deuxième chapitre servira à étudier les occurrences du celtisme dans la musique metal, en découvrant comment ce celtisme se manifeste dans les trois niveaux de pertinence de la musique metal, le niveau verbal (tout ce qui relève du textuel – noms de groupes, paroles de morceaux, etc. - ), oral et visuel (pochettes d’albums, costumes, utilisation d’instruments particuliers, etc.), et également extra-musical (affiches de concerts, maisons de disques, etc.).
Le troisième chapitre montrera que si l’attrait des artistes metal pour le celtisme peut résulter d’un effet de mode (et notamment des différents renouveaux celtes qui ont parsemé le 20e siècle), il est également motivé par une recherche identitaire et le souhait d’un certain ré-enchantement du monde contemporain.
Le chapitre quatre traitera quant à lui des valeurs communes partagées par les peuples celtes et les musiciens metal, principalement des valeurs guerrières, solidaires, libertaires et asociales. Nous verrons que l’utilisation du celtisme permet aux musiciens metal d’exprimer une certaine agressivité, notamment grâce à la figure générique du guerrier celte.
Les deux derniers chapitres seront consacrés à la résultante spirituelle de ce mélange entre celtisme et musique metal.
Le cinquième chapitre montrera que les thématiques celtes permettent aux metalleux d’instiller une certaine spiritualité (voire religiosité) dans leur musique, qui devient ainsi une sorte de ‘religion de substitution’.
Le dernier chapitre présentera quant à lui la musique metal comme un vecteur de revendication et de promotion pour un retour à une religion païenne celtique, dans un monde ou ‘l’esprit religieux’ est en régression.