
Issu du blues urbain, du rock britannique et du British blues, le hard rock a pour groupes
précurseurs Led Zeppelin et Deep Purple. Le heavy metal, plus brut et répétitif, emprunte
parfois des thématiques satanistes. Ces courants sont à l'origine d'une constellation de styles,
parmi lesquels le thrash metal, le speed metal ou, à l'opposé, le hard FM.
En France, on appelle « hard rock » les courants du rock influencés par le blues, les formes
plus radicales, aux tempos davantage soutenus, étant étiquetées « heavy metal ». Le hard rock
prend ses sources dans le blues (avec le riff* de guitare de Bo Diddley dans I'm A Man,
1955), le rock anglais tranchant des Who, le British blues et certains morceaux où la
surenchère sonore devient une esthétique à part entière, comme le célèbre Born To Be Wild,
du groupe américain Steppenwolf (1968, révélé par le film Easy Rider et où l'on entend
l'expression « heavy metal thunder »), ou All Right Now (1970), du groupe britannique Free.
Certains groupes américains avaient cependant anticipé cette esthétique : ainsi Blue Cheer
(avec une version assourdissante du Summertime Blues d'Eddie Cochran en 1968), The
Stooges, MC5, Iron Butterfly, Blue Öyster Cult (qui met parfois en présence cinq guitaristes
sur scène). Les Américains de Grand Funk (Railroad), fondé en 1968, s'étaient également fait
connaître par le surdimensionnement de leur système de sonorisation.
Easy Rider, de Dennis Hopper, 1969
Ce plan en demi-ensemble présente les nouveaux chevaliers de l'Amérique de
l'après-1968. Le cadrage amplifie la forme étonnante des montures, des choppers Captain
America tels qu'on n'en avait jamais vu, même en Californie, avec des fourches avant...
Aux sources du hard rock
Dans les années 1970 au Royaume-Uni, deux courants musicaux apparaissent. Dès 1971, le
groupe Black Sabbath dessine dans Paranoid les contours du heavy metal, avec des textes qui
ont pour thème la magie noire et l'occultisme et une musique répétitive construite autour de
riffs* de guitares à base de fondamentales et de quintes ; les instruments sont souvent
accordés plus bas que le diapason. En ce qui concerne le hard rock proprement dit, les deux
groupes initiateurs du genre sont Led Zeppelin et Deep Purple, qui associent la guitare blues
à un jeu de batterie appuyé et violent ; les musiciens sont accomplis, à l'image du bassiste-
arrangeur de Led Zeppelin, John Paul Jones. Notons que deux guitaristes venus du blues,
Jimmy Page, futur fondateur de Led Zeppelin (1968), et Eric Clapton, avaient, dans les années
1960, expérimenté avec les groupes Cream et The Yardbirds le son saturé et les rythmiques à
fort volume ; on voit ces deux guitaristes s'illustrer dans une scène du film Blow Up de
Michelangelo Antonioni (1966).
L'instrumentation de base du heavy metal est classique de celle du rock (basse, batterie,
guitare, orgue) avec un kit* de percussions enrichi d'une double grosse caisse et de nombreux
toms et cymbales ; des apports extérieurs (orchestre symphonique, claviers) apparaissent
parfois. Les chanteurs des deux groupes fondateurs, Robert Plant, de Led Zeppelin, et Ian
Gillan, de Deep Purple, s'expriment d'un chant puissant en voix de poitrine ou de tête ; leur
registre est étendu et ils possèdent une large palette d'effets (parlé-chanté, vibrato,
trémulation*, coup de glotte...).
Essor du hard rock
On retrouve ces ingrédients chez le groupe américain Aerosmith, formé en 1970, qui
emprunte beaucoup aux Rolling Stones. Calquée sur l'image du maître Jimi Hendrix, la figure
du « guitar hero » va s'imposer dans les années 1970, avec les inévitables amoncellements
d'amplificateurs et les démonstrations de virtuosité qui caractérisent les groupes
psychédéliques comme Cream. Ainsi, les solos peuvent tourner à la démonstration : le
guitariste Ritchie Blackmore, de Deep Purple puis de Rainbow, cite Jean Sébastien Bach ;
Jimmy Page, des Yardbirds puis de Led Zeppelin, joue avec un archet ; son compère Jeff
Beck étend le langage pentatonique du blues au point de glisser vers le jazz-rock. Même dans
le hard rock F.M. (groupes américains Van Halen, Mötley Crüe ou Bon Jovi, allemand
Scorpions, britannique Def Leppard), le son reste agressif et distordu. Ce versant plus
commercial va réussir à s'ouvrir à d'autres publics, notamment par le succès radiophonique de
ballades. Le jeu des guitaristes s'enrichit de nombreux effets ; tapping*, hammer-on*,
utilisation des harmoniques... Le guitariste américain Steve Vai (qui jouera avec Frank Zappa
puis David Lee Roth) est l'archétype du musicien complet et cultivé cherchant à exploiter
toutes les possibilités de son l'instrument.
Variantes du hard rock et du metal
Aux États-Unis se développe le rock sudiste, qui reprend les accents du boogie-woogie
(groupes Molly Hatchet, ZZ Top, Lynyrd Skynyrd) et qui suit une voie parallèle, plus proche
du rock « mainstream ».
Dans les années 1980 apparaît une nouvelle vague de heavy metal, qui s'oppose au punk en
accentuant le goût pour les traits rapides et les tempos dédoublés. Cette new wave of british
metal « qui s'habille en cuir et clous » comprend les groupes britanniques Iron Maiden et
Judas Priest, et inspire les Américains W.A.S.P. et Manowar ainsi que les Danois Mercyful
Fate.
Le speed metal exagère encore ces caractéristiques par une utilisation systématique de la
double grosse caisse et un volume sonore avoisinant parfois 120 décibels en concert, ce qui
correspond au bruit d'un avion gros porteur au décollage ! Parmi les groupes représentatifs de
ce courant, citons les Américains Anthrax, les Allemands Helloween (Walls Of Jericho, 1986)
et Blind Guardian (Battalions Of Fear, 1988). Ted Nugent, le vétéran américain du heavy
rock, avait prévenu les générations futures : « Quand c'est trop fort, c'est que tu es trop
vieux. »
Les Australiens d'AC/DC perpétuent l'héritage du blues-rock vendeur fait de riffs lourds et
libéré de poses trop connotées.
Les Britanniques de Motörhead (créé en 1975) influenceront beaucoup de variantes du
heavy metal qui vont suivre, en particulier certains groupes de thrash metal.
À partir de 1983, le thrash metal voit l'émergence de groupes comme Metallica (Kill' Em
All, 1983), Slayer (Show No Mercy, 1984), Testament ou Kreator. La musique se radicalise
par des tempos très rapides, des voix qui deviennent hurlements et l'adhésion à un
primitivisme sonore qui rejette l'harmonie tonale.
Le death metal utilise le grognement ou le rugissement comme émission vocale, une
certaine forme d'atonalité et les contrastes dans la rythmique. Le son des guitares saturées est
souvent étouffé (technique du mute*). Les groupes apparentés à ce style sont The Possessed
(Seven Churches, 1985), Death (Scream Bloody Gore, 1987), Morbid Angel (Altars Of
Madness, 1989), Deicide, Entombed...
On reprochera souvent au heavy metal la reproduction mécanique de codes vestimentaires
et musicaux entraînant une sorte de consanguinité musicale, facteur de dégénérescence. Mais,
parmi les groupes de metal (Machine Head, Pantera), les Brésiliens de Sepultura, proposent,
entre le death metal et le thrash metal, une musique qui transcende les lois du genre grâce à
des apports extérieurs assimilés. Au départ influencés par Slayer, ils trouvent leur voie grâce à
des textes politisés et à une utilisation d'instruments ethniques (Chaos A. D., 1993 ; Roots,
1996).
De son côté, Anthrax confère à son speed metal presque punk une certaine dose d'humour
et collabore avec le groupe de rap Public Enemy. Rage Against The Machine emprunte
également au rap un certain phrasé du chant et un esprit de contestation. La musique, sans
artifice technologique, utilise le metal comme un vecteur et non comme une fin en soi.
Apparu à la fin des années 1990, le neo metal perpétue cet héritage grâce à Korn, qui utilise
des samples* de batteries, Slipknot, Limp Bizkit, au chant très rap, Deftones, ou les Français
de Pleymo.
Le black metal à la thématique satanique est promu par Venom dans l'album Black Metal
(1982). Il bénéficie d'un certain renouveau vers 1990 avec Marduk, Mayhem, ou Darkthrone,
Burzum et Dimmu Borgir. Ces deux derniers groupes se particularisent par l'emploi de
claviers.
À partir de 1990, le metal progressif, représenté par les Américains de Dream Theater, les
Allemands de Vanden Plas ou les Brésiliens de Angra, intègre des claviers et s'inspire du rock
progressif des Britanniques Marillion et des Canadiens Rush pour proposer de longues pièces,
toujours très techniques.
Alors que le hard rock est écouté par un large public socialement intégré au point d'être
classé dans la catégorie « adult-oriented rock », les diverses formes extrêmes de heavy metal
touchent plutôt des adolescents en rupture, fascinés par les thématiques morbides véhiculées
par des jeux vidéo et un certain cinéma gore, et qui en arrivent parfois à confondre
l'imaginaire fantasmé et la réalité. Mais, si certains faits divers sanglants ont été effectivement
initiés par des fans de heavy metal s'adonnant au satanisme, il ne faut pas pour autant sous-
estimer la dose d'humour qui existe dans ces univers musicaux. La majorité des jeunes
« mordus » partagent en effet avec les musiciens un goût du second degré prononcé (mis en
évidence dans le film parodique This is Spinal Tap de Rob Reiner, 1984).
Eugène LLEDO
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