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Un nouvel album de Therion est toujours en événement, et ce Gothic Kaballah ne fait pas exception à la règle. Et ce, même si nous n'avons pas vraiment compris où on en était avec le groupe, qui devait nous sortir le dernier volet de la trilogie commencée par Lemuria/Sirius B, et qui finalement nous parvient ici sous forme d’un double album qui ne doit pas vraiment avoir de rapport.
Et voilà que l'on se met à écouter ce premier morceau "Der Mitternachtslöwe" (le lion de minuit) qui part sur les chapeaux de roues, avec un gros riff, une belle voix soprano et quelques chœurs. On s'attend là, à reprendre la claque qu'on s'était prise il y a 2 ans, et on attend l'explosion. Puis on perd patience... On ne comprend pas trop ce que ce chant féminin vient faire ici, toute la pression retombe. Mais qu'est-ce donc? Car s’il y a bien un mot pour qualifier ce double album, celui-ci est "changement". Finalement, ce n'est pas vraiment un secret, puisque Therion ne s'est jamais reposé sur ses lauriers, et a toujours su évoluer à travers sa discographie. Seulement après la production et le son astronomique du dernier double album, on tombe de haut. Plus les morceaux défilent, plus on prend peur. Certes, quelques éléments sont là pour nous rappeler à qui nous avons affaire, mais un tel déboussolement est effrayant. Les chœurs ont quasiment tous disparu, et le tout est d'une platitude déconcertante. Le fait d'avoir intégré un chant féminin (2 en réalité), fait également perdre son charme à la musique, puisque Therion nous donne l'impression de manquer d'inspiration (possible ça?), et de flirter avec tout autre groupe qu'on pourrait qualifier de normal. A vrai dire, à certains moments, on croit entendre le Dreamquest de Luca Turilli, alors que ce titre éponyme, "The Gothic Kaballah", semble être un Blackmore's Night version hard ; quoique si Ritchie avait ressorti sa Strat, on l'aurait su! Enfin, c'est surtout que plus les chansons défilent, plus on a l'impression d'entendre la même, mais dans une version un peu différente.
Et soudain, alors que "Son of the Staves of time" commence comme ses prédécesseurs, le riff qu'on attendait. Celui qui nous fait dire "ça c'est ]Therion". Et là, comme par magie, la voix de Matt Levens (At Vance), tel un magicien, apparaît elle aussi. Premier grand moment, qui nous donne bien l'envie de poursuivre l'écoute, sans toutefois nous procurer la sensation d'explosion qu'on attendait tous. "Tuna 1613" est d'ailleurs là pour ça. Ca y est, nous sommes réconciliés. Les Suédois savent encore faire du metal, et cette fois c'est Snowy Shaw (King Diamond, Dream Evil, ...) qui mène la danse avec brio, l'emmenant même dans quelques paroles gutturales. Enfin l'on se prend à apprécier cet album, et l'on se rend compte que même si le début était un peu soporifique, le Therion n'était pas loin. Car tous ces titres sont, bien que parmi les plus faibles de la discographie du groupe, du Therion. Et même les suivants qui retrouvent les voix féminines en acteur principal, et qui du coup en reperdent en peu en détermination, sont toujours dans cette lignée.
Mais plus on avance, plus on retrouve nos marques. Les rythmiques, et les atmosphères se font plus lourdes. C'est en réalité au niveau du chant que se trouve le plus gros problème : quelle que soit la voix (parmi les 4 différentes), elle semble limitée en liberté, et d'une linéarité à laquelle le groupe ne nous avait jamais habitués, comme par exemple sur "Close Up to the Streams". C'est au final les chœurs, qui ont maintenant quasiment disparu, qui donnaient du relief au travail vocal. Mais nous ne sommes pas au bout de nos surprises. Le deuxième cd navigue, lui aussi, entre nouveautés et éléments classiques. Car hormis le surprenant "Three Treasures", on trouve enfin pleinement nos repères. Mieux encore, on réentend parfois nos choristes, comme sur "Chain of Minerva", mais surtout le grain de folie générale qui fait de Therion un groupe définitivement venu d'ailleurs. Sur "T.O.F. - The Trinity" on prend ainsi un plaisir dingue à headbanger comme un sauvage. Finalement, et choix assez bizarre, cet album semble se dévoiler crescendo, alors que d'habitude, les meilleurs titres sont placés en début d'albums. Mais qui dit crescendo dit le meilleur pour la fin. Et quelle fin! "Adulruna Redivivia", qui justifie à elle seule l'achat de cet album. Les chœurs majestueux sont de retour, et c'est avec un plaisir non dissimulé qu'on reconnaît là le grand groupe qu'est Therion. Car cette chanson, du long de ses 15 minutes, est un monument! A choisir de n'en jouer qu'une, celle-là devrait parfaitement s'intégrer à la set-list du groupe en live, entre passages lents et lourds, sa structure progressive qui l'amène aussi à jongler entre les différentes voix et les parties pianos douces, à l'opposé de certains riffs, il y a de quoi ravir tout le monde. Exceptionnel tout simplement!
Au final, Gothic Kaballah est un album très riche, probablement autant que l'ont été Lemuria et Sirius B, et nécessitera de nombreuses écoutes avant d'être pleinement apprécié. Et si l’on est un tantinet déçu par la qualité de la production, et surtout l'utilité de certains morceaux, ce nouvel opus n'en reste pas moins d'une qualité musicale et technique très largement supérieure à ce que beaucoup de bons groupes nous proposent de mieux. Et puis à vrai dire, certains titres demeurent parmi les meilleurs que le groupe ait pu nous proposer, et justifient à eux seuls l'achat de ce cd.
En tout cas on ne peut que reconnaître la démarche honnête du groupe qui, quitte à en décevoir quelques-uns, préfère évoluer que de stagner dans une position qui lui va à ravir, ce qui devrait probablement lui ramener de nouveaux fans. Vivement la tournée.