
chant, basse : Glenn Hugues
guitares : Tony Iommi
batterie : Kenny Aronoff
claviers : Bob Marlette
Un peu d'histoire tout d'abord : il y a 19 ans de cela, en 1986, alors que l'avenir de Black Sabbath était des plus incertains, Tony Iommi (qu'on ne présente plus) décidait de sortir un album solo du nom de Seventh Star. "Malheureusement", cet album allait finir par se transformer en sortie de Black Sabbath à cause du label ayant forcé Iommi à remplacer son nom par celui du groupe de Birmingham sur la pochette, pour des raisons bassement commerciales bien entendu. Sur cette réalisation en quelque sorte "bâtarde" chantait un certain Glenn Hugues, connu pour ses années fastes au sein de Deep Purple lors de la décennie précédente ainsi que des apparitions multiples aux côtés de Gary Moore, Joe Lynn Turner et toute une myriade d'artistes de renom formant une liste longue comme le bras. 10 ans plus tard, les deux bonhommes se retrouvaient pour enregistrer une série de démos qui n'allaient malheureusement pas voir le jour, hormis un désormais célèbre bootleg Eighth Star. Il faudra attendre 8 ans de plus pour que Iommi décide d'exhumer ces bandes, de les retravailler (nouvelles pistes de batterie) et de les commercialiser sous le nom de The DEP 1996 Sessions.
On en arrive donc en 2004, où cette sortie des cartons des DEP a justement redonné envie à Iommi et Hugues de remettre le couvert, mais cette fois pour un album réalisé dans les règles de l'art de A à Z. Il s'agit en l'occurrence du deuxième album solo de Tony (ou troisième si on compte Seventh Star), le précédent sorti en an 2000 ayant été enregistré avec une multitude de chanteurs et musiciens différents ce qui lui donnait un aspect assez décousu.
Mais c'est du passé, car cette 3ème collaboration Hugues/Iommi est pour moi la meilleure! Seventh Star était un album correct aux horizons assez variés, le DEP Sessions s'est avéré plutôt sympa, mais Fused est de toute évidence plus abouti, mieux produit, sensiblement plus heavy certes mais marqué surtout d'une direction artistique claire. Presque trop, le jeu de Iommi retrouve tellement de sa superbe Sabbathienne qu'il rend l'album un peu monolithique par certains côtés, mais quel plaisir de réentendre le son irremplaçable et les riffs plombés du maître comme on n'en avait plus vraiment profité depuis Forbidden. Non pas que Fused soit un album de Black Sabbath, ne serait-ce que par certaines influences propres à Hugues, mais la fibre Iommi-enne effectue un retour en force. Tony Iommi n'est pas le père du riff Metal pour rien, oui ça riffe! Oh sans complications bien sûr, dans le pur style Iommi trahissant ses racines bluesy en particulier dans les soli, avec ce son unique conférant une dimension atmosphérique aux choses simples, la marque des grands. Un style pas très mélodique à première vue mais tellement pur et puissant, Iommi c'est la grande classe quoi qu'on en dise.
On le savait déjà mais une fois de plus la voix gorgée d'âme de Hugues s'accorde sans problème avec ces rythmes très lourds et emphatiques, pas toujours mélodiques mais la recette demeure accrocheuse avec des "What You're Living For" (seul morceau rapide) ou bien le direct "Dopamine". Cette alliance conserve toutefois des traits mélodiques sur les refrains et au delà à l'image de la chouette ballade "Deep Inside a Shell". On finit par se rendre compte qu'une bonne partie des facettes de Sabbath sont représentées sur Fused, pas toutes non plus ne rêvez pas, et complétées par ce côté "modern rock" qui s'immisce de temps à autre.
Les écoutes répétées permettent au charme d'autres titres comme "Resolution Song" (à la Led Zep) de se révéler par leur atmosphère très seventies aérant un peu l'album, des morceaux où évidemment Glenn Hugues évolue comme un poisson dans l'eau. Capable d'alterner plusieurs styles vocaux en multipliant des mélodies inhabituelles pour un album du genre, ce qui devrait peut-être déranger certains de ses fans mais qui de l'autre côté donne de la personnalité à Fused, Hugues vole volontiers la vedette à Iommi comme sur "Face Your Fear" et "Grace" qui porte fort bien son nom. Y-a-t-il aujourd'hui quelqu'un de plus sous-estimé que Glenn Hugues dans le monde du rock 'n roll? On en oublierait presque qu'il est aussi un solide bassiste à la base

Profitant de cette versatilité on va même jusqu'à retrouver du Sabbath doomy et pachydermique comme à leurs débuts dans "The Spell" lourdement enivrant, le genre de morceau qu'on attend pas vraiment de la part de Hugues! Et pourtant tel un caméléon il assure comme un dieu sur tous les plans.
Kenny Aronoff complète notre trio de choc avec sa frappe intense et variée qui sent le baroudeur (Iggy Pop et Alice Cooper entre autres), il apporte un superbe jeu très naturel et explosif bien plus adéquat que les hommes-machines qu'on rencontre parfois dans le heavy metal. Pour parfaire le tableau, l'expérimenté Bob Marlette (Alice Cooper) ne se contente pas de produire Fused comme un chef mais aussi de lui rajouter quelques textures de clavier lorsque cela est nécessaire.
Mais le meilleur reste à venir, la fin de l'album nous a réservé son trésor : "I Go Insane", la pièce épique de Fused, et quel morceau! La voix soul dégouline de feeling, les pourtant très simples claviers lui donnent une couleur absolument exquise, le refrain claque comme jamais, juste avant cette partie centrale d'anthologie qui met le turbo, débouchant sur un final majestueux encore relevé par une prestation atomique de Aronoff, c'est du bonheur et déjà un de mes titres préférés de la décennie. Clairement le morceau le plus réussi ou en tout cas le plus ambitieux du lot, Iommi n'avait pas écrit de compo de ce calibre depuis 15 ans au bas mot. Quand on voit ce que ça peut donner dès lors que leurs talents respectifs sont parfaitement conjugués, on se prend à rêver d'une future collaboration Iommi/Hugues orientée dans l'esprit de cette chanson! A cet égard on pourrait justement reprocher à Fused de ne pas avoir creusé plus souvent dans ce sens, ainsi que de ne pas avoir laissé parler davantage les influences plus personnelles de Hugues parfois mises en sourdine. Mais une touche funk par exemple aurait-elle eu sa place sur cet album? Pas sûr.
Ce qui est sûr c'est que de son côté Ozzy souffre le martyr pour assurer les tournées nostalgiques de Sabbath quitte à le transformer en hôpital ambulant, alors pourquoi continuons-nous toujours à espérer un hypothétique album du Sab's d'origine quand Iommi en solo peut nous pondre du costaud comme Fused? La nostalgie sans doute. Mais ne nous attardons pas trop sur le passé et sachons apprécier le présent à sa juste valeur. Car de la valeur, Fused n'en manque pas pour les fans du Maître incontesté du heavy rock plombé

4/5
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