Ils sont toujours pleins à craquer à ce point-là les concerts d'Opeth ?
J'ai jamais vu une queue pareille devant le Bataclan, et il était à peine 18h15 quand je suis arrivé !
D'habitude je trouvais toujours le moyen de m'approcher sans problème de la scène pour Pain of Salvation, mais là c'était une toute autre paire de manche : le parterre de la fosse débordait déjà quasiment sur les marches, et j'ai à peine eu le temps de m'avancer vers la scène que le prologue habituel qui remplace désormais "Remedy Lane" depuis la tournée "road salt one" s'est mis à cracher à travers les amplis.
Ayant alors encore énormément de mal à me remettre de l'immense frustration causée par la vue de la répartition des durées de jeu entre les 2 groupes Suédois, je prends donc mon mal en patience, en espérant qu'en guise de contre balancier, le choix des titres se fera judicieux, et que l'intensité sera suffisamment de mise, aux dépens de la brièveté impartie.
Au final, c'est l'amertume d'un arrière-goût mi-figue, mi-raisin, qui me restera en bouche au terme de leurs dérisoires 40 minutes.
Je m'explique :
Ayant énormément accroché au diptyque "road salt", les chapitres aux couleurs de l'ivoire et de l'ébène m'ayant tous deux tout autant flatté les sens, c'est avec grand plaisir que j'ai abordé la très forte concentration de leur
set en poussière et en sel, et même si les plus vigoureux "Gone", "Darkness of Mine", "Eleven" ou "Mortar Grind" manquaient cruellement à la concision requise pour convaincre dans ces conditions, la douceur des nostalgiques "1979" et "To the Shoreline" apportaient un bien beau souffle d'air frais aux interprétations scéniques toujours changeantes de la musique torturée du ténébreux Daniel.
Mais pourquoi diable choisir de scinder leur
setlist par l'exécution d'un lancinant "kingdom of loss", au vu du temps de jeu si serré, et ayant l'inexorable effet de refroidir considérablement un public pourtant déjà largement acquis à sa cause ?
Non pas que l'acerbe pamphlet de la société d'ultra-consommation me gêne dans ses effluves ouvertement acides, ni même que l'exercice de style puisse paraître facile -j'ai appris à adorer "scarsick" au gré des écoutes-, mais Gildenlöw nous a déjà fait le coup l'an dernier, et si la superficie étriquée de la Scène Bastille se montrait
a fortiori contraignante pour les besoins grandiloquents du discours, le groupe pouvait se targuer de disposer d'un pupitre
ad hoc aux couleurs du programme alors en promotion.
Pourquoi nous imposer ce long morceau, somme toute sympathique, mais tellement plus intéressant lorsque resitué dans son contexte (je n'ose même pas espérer qu'on puisse voir un jour l'interprétation de l'intégrale de l'album...), tandis que l'énergie d'un tandem composé de son glorieux prédécesseur "King of Loss" et d'"Idioglossia" (qu'ils ont pourtant jouée au Hellfest) aurait difficilement pu être mieux indiquée pour hausser le niveau d'excitation d'un cran ; et par là même emporter l'unanimité des suffrages ?
De même, et bien que je raffole de ses classiques piques envers le public Français, le public Allemand, le public progressif en règle générale et à peu près tout et n'importe quoi qui pourrait lui passer par la tête selon l'humeur, j'aurais préféré que le Daniel bavasse moins -malgré tout le respect que j'ai pour sa grande qualité à ne jamais donner l'impression de tergiverser inutilement, donc-, et qu'il abrège ses exhortations à nous faire pousser la gueulante pour donner la réplique au
riff d'introduction de "Linoleum" pour attaquer directement la chanson à proprement parler, et gagner ainsi les précieuses minutes nécessaires à un titre supplémentaire.
Évidemment, je pinaille énormément, et la satisfaction était bien au rendez-vous, mais je trouve vraiment dommage de sacrifier cette opportunité au profit d'une interaction avec l'assistance, dont, de toute façon, connaissant le personnage, on ne pourrait que très difficilement déplorer l'absence dans le cas contraire.
Contrairement à la clarté irréprochable du son d'Opeth, j'ai trouvé la texture des guitares légèrement brouillonne, voire crasseuse, sur les bords, et par moments, même si je soupçonne la balance délibérée pour mieux coller à l'esprit foncièrement rétro et à l'aspect radicalement rugueux de la route, et que ça ne m'a absolument pas dérangé outre-mesure.
Un détail : j'ai décelé une ou deux fausses-notes par-ci par-là de la part de Daniel, dont une dont je n'ai pas certitude, puisqu'il semblerait
a posteriori qu'il y ait eu un faux contact, ou un mauvais étalonnage, au niveau du
jack de la guitare à résonateur utilisée pour "To the Shoreline".
Pas que je lui en tienne rigueur non plus, loin de là d'ailleurs, d'autant plus que ça a plutôt tendance à me rendre hilare, et que ça n'a en aucun cas nuit ni au spectacle, ni à la musique : il s'est carrément emmêlé les pinceaux sur le dernier couplet de "No Way" en répétant "She wants it gently like a child," en lieu et place de "'Cause sometimes when she's screaming no," !
D'un autre côté, et j'en mettrais presque ma main au feu, il m'avait l'air complètement torché en montant sur scène.
Peut-être que là où Martin Mendez a abusé de crème brulée, Daniel Gildenlöw a carburé au Jurançon ?
En ce qui concerne le reste du groupe, les autres musiciens étaient irréprochables, comme à leur habitude.
Johan Hallgren était tout singulièrement déchaîné, probablement pour l'ensemble de la tournée au vu de son départ annoncé, et à des fins de tout donner sur la dernière ligne droite au sein d'un groupe qu'il aime et qui l'aime -sans parler des
afficionados du groupe qui se sont empressés de laisser force notes de reconnaissance et de remerciements chaleureux pour ses années et ses contributions à la douleur du salut-.
On les comprend et regrettera sa personne et sa figure, lui qui a su exacerber, ou peut-être même débrider, le charisme scénique de la formation à l'appui de sa silhouette de fauve enragé, mais pour autant toujours jovial et enjoué, prenant toujours autant de plaisir à jouer, et partageant graduellement avec la tête pensante ces dernières années les vocalises suraiguës qu'il maîtrise si bien.
Mention spéciale pour l'envolée du refrain de "Softly She Cries" jouée d'entrée de jeu, et qui a permis de placer d'emblée la soirée sous le signe de l'authenticité des mélopées
Rock d'époque.
Côté 5-cordes, il semblerait que Daniel Karlsson -qui, si j'ai bien compris, serait un ami d'enfance d'Eskilstuna que Gildenlöw aurait retrouvé au détour du créneau de Dark Tranquillity au Hellfest ?- ait durablement remplacé Per Schelander, qui d'ailleurs, n'officiait également qu'à titre de bassiste de session, toutes les lignes demeurant écrites et exécutées en studio par l'autre Daniel.
C'est donc embrumé d'un ressenti(ment ?) tout en demi-teinte que je vois se clore cette première partie expédiée montre en main, mais avec l'espoir que, malgré la réduction officielle récente du quatuor (le bassiste ne faisant, lui non plus, pas partie intégrante du groupe) au duo Gildenlöw / Margarit, la tournée ne déchantera pas, et que le passage annoncé par Daniel en Février pourra remettre les pendules à l'heure !
Setlist :
00) Road Salt Theme
01) Softly She Cries
02) Ashes
03) 1979
04) To the Shoreline
05) kingdom of loss
06) Linoleum
07) No Way
Pain of Salvation :
Daniel Gildenlöw : Guitares et Chant
Johan Hallgren : Guitares et Chant
Fredrik Hermansson : Piano et Synthétiseurs
Daniel Karlsson : Basse
Léo Margarit : Batterie et Choeurs
Mon C.R. pour la tête d'affiche déboulera, avec un peu d'espoir, dès que j'aurais le temps (c'est-à-dire entre les billets pour Steven Wilson et Brit Floyd), ah la dure de vie de
Rocker...
Setlist :
01) The Devil's Orchard
02) I Feel The Dark
03) Face of Melinda
04) Porcelain Heart
05) Nepenthe
Set acoustique :
06) The Throat of Winter
07) Credence
08) Closure
09) Slither
10) A Fair Judgement
11) Hex Omega
Rappel :
12) Folklore
Opeth :
Mikael Åkerfeldt : Guitares et Chant
Fredrik Åkesson : Guitares et Choeurs
Martin "Axe" Axenrot : Batterie et Percussions
Martin Mendez : Basse
Joakim Svalberg : Piano, Mellotron, Synthétiseurs, Choeurs et Percussions